Amis de cette glorieuse ville de Saint-Denis ; amis téléspectateurs et téléspectatrices de tous les coins de France et bien au-delà, j’ai envie de vous dire : " Allez ! En route ! Il faut y aller. L’Esprit nous pousse au désert à notre tour, comme Il a poussé le Seigneur Jésus par le passé. Amis, vous ne pouvez pas vous défausser : c’est le chemin que doit prendre le peuple de Dieu, c’est celui qu’ont pris avant vous les prophètes, et, surtout, le peuple d’Israël sous la conduite de Moïse ; celui qu’a emprunté une multitude d’amis de Dieu au cours de l’histoire de l’Alliance… "
Allez ! Levons-nous ! Partons quarante jours et quarante nuits à la rencontre de Dieu, comme le fit Moïse à la veille de recevoir les Tables de la Loi et leurs Dix Commandements, comme marcha Élie vers la montagne de l’Horeb, et comme a agi Jésus au sortir de son baptême dans le Jourdain.
J’ai même envie de dire : " Partons ! Allons combattre ! Nous avons des ennemis à vaincre, et nous savons que nous en sortirons victorieux ! "
Mercredi, en écoutant l’appel de Dieu : " Revenez à moi de tout votre coeur ", nous avons été nombreux à recevoir sur notre front l’imposition des cendres, geste qui a manifesté notre décision d’entrer dans un chemin de conversion. Voilà maintenant que nous sont offerts quarante jours pour éprouver la Présence aimante de Dieu. Quarante jours où nous allons pouvoir témoigner au Seigneur combien nous l’aimons et combien nous sommes prêts à renoncer à une partie de nous-mêmes, la partie qui nous éloigne de Lui. Temps d’épreuve, certes, mais temps de fête aussi, car temps de la victoire de l’amour sur le péché.
Il est des moments dans l’existence où nous avons besoin d’être " secoués " afin de sortir de nos engourdissements, de nos paresses, de nos habitudes parfois fort nocives. Le Carême est une de ces " secousses " salutaires qui nous sont proposées. Avec lui nous pouvons briser les rythmes mécaniques dont nous sommes trop souvent prisonniers. Avec lui, surtout, nous pouvons retrouver une saine combativité pour lutter contre ce qui peut nous détruire sans que nous y prenions toujours garde.
Pour vivre ces quarante jours de désert, de traversée dans la solitude des immensités arides et brûlantes ; pour nous laisser prendre par le sable qui nettoie et le feu qui purifie, nous disposons heureusement d’un compagnon : le Christ lui-même. Pour se préparer à sa Pâque, qui serait notre libération de la mort et du péché, ll s’est complètement donné à Son Père devenu Notre Père, ne faisant en lui place à rien d’autre qu’à Dieu. Aujourd’hui il nous dit : " Viens au désert, tu te trouveras et tu me trouveras… Tu nous trouveras, le Père et moi, et nous te remplirons de notre Esprit. "
Au désert, il y a aussi le diable. En fait le diable est partout… et surtout au-dedans de nous. Il a pour nom " légions ", c’est-à-dire " multitude ". Il est composé de toutes ces forces obscures, de toutes ces puissances qui nous nuisent mais dont nous nous accommodons si bien, de toutes ces " pulsions de mort, de haine, d’égoïsme, de jouissance suicidaire qui nous habitent et qui nous éloignent des autres et, également, de nous-mêmes. Il est le diviseur, le perturbateur, celui qui nous perd… Il est comme une ombre maléfique qui se nourrit de tout ce qui, en nous, est désordre, destruction de l’image de Dieu à laquelle nous avons été conformés. Il est, d’une certaine façon, une sorte de " réalisation " de tout ce que nous sommes en négatif… Plus notre péché est grand, et plus " notre diable " est grand… Plus le monde préfère les forces de mort aux forces de vie, et plus Satan, le prince des ténèbres, prend une forte consistance… Nous sommes les vrais créateurs du diable… Auschwitz, le Cambodge de Pol-Pot, le Rwanda du Génocide, ont été les plus sûrs berceaux du diable…
Le diable n’aime pas le désert. Il préfère les espaces plus riches et plus tranquilles où il peut nous manipuler sans que nous nous en apercevions. Le désert est le lieu où nous pouvons le mieux le faire se dévoiler. C’est le lieu idéal pour le provoquer. C’est là que nous pouvons le mieux prouver notre capacité à dompter nos désirs, à limiter nos besoins, à faire des choix qui ne sont pas nécessairement ceux de la facilité… C’est dans les épreuves du désert, dans les privations volontairement assumées que nous pouvons témoigner que nous sommes capables de faire triompher la lumière sur l’ombre, la vraie vie sur les faux-fuyants de l’existence, l’être sur le paraître, le don amoureux sur la possession qui tue… C’est dans le désert que le diable perd la partie et se perd lui-même.
Ce fut l’expérience de Jésus. Il n’aurait pas été pleinement homme s’il n’avait pas été susceptible de céder à la tentation. Tentation de jouer avec cette " toute puissance " que nous désirons tous et à laquelle son origine divine lui donnait pourtant accès. Tentation d’être un messie royal triomphant et non point un serviteur souffrant. Tentation de " s’enivrer de lui-même " et de se penser " suffisant ", " indépendant " du Père et de l’Esprit… Jésus qui sut nourrir des foules affamées, aurait pu changer des pierres en pain. Il aurait pu faire surgir pour lui-même la manne que Dieu envoya naguère aux Hébreux. Lui qui avait la puissance de guérir les malades et de redonner vie aux morts, Il aurait pu mettre les hommes à son service et se complaire dans une gloire facile. Mais à quoi cela aurait-il abouti ? Peut-être aurait-il laissé la trace d’un personnage historique brillant, mais cela n’aurait pas ouvert des chemins nouveaux à l’humanité. En revanche, en renonçant à l’avoir et à la puissance, en faisant le sacrifice des chemins de facilité et de satisfaction immédiate, en se livrant par amour, Jésus s’est montré plus fort et nous entraîne avec lui dans la victoire sur le péché et sur la mort.
Oui, le Carême est un joyeux combat ! Nous devons nous encourager, les uns les autres, à le mener ! En laissant se creuser en nous des manques, nous aurons faim de Dieu et Dieu viendra en nous. En nous tenant debout devant le Seigneur, nous nous laisserons visiter par Lui. En nous dépossédant de tout ce qui nous rend esclaves, nous nous enrichirons de la liberté des enfants de Dieu ! En partageant ce que nous avons comme biens, nous ferons surgir un peu du monde de justice que Dieu promet…
Le Carême comme oeuvre de justice… Je ne résiste pas à la tentation de vous rappeler cette belle histoire, qui a pour cadre le Brésil, et qui s’est déroulée il y a tout juste vingt ans…
Le Nordeste brésilien avait été frappé, plusieurs années de suite, par une grande sécheresse. Le peuple mourait de faim, mais le pouvoir central ne se souciait guère des affamés. La violence commençait à se développer : violence de la révolte, violence de la répression… Alors un des saints du vingtième siècle (il est mort il y a peu) , le prêtre Fredy Kunz, un fils de la Charité, décida de jeûner en solidarité avec les pauvres : neuf jours de jeûne dans l’église Saint-François de Crateus. Des centaines de personnes choisirent de l’accompagner. Des milliers d’autres choisirent de partager… On vit soudain apparaître sur les portes d’innombrables maisons un petit écriteau : " Porte ouverte aux affamés "…
C’est à chacun de trouver les chemins de son désert. Je vous le dis de tout mon coeur : bon combat ! Belle victoire ! Joyeux Carême ! le Seigneur soit avec vous !
Références bibliques :
Référence des chants :