La première lecture qu’il nous a été donné d’entendre, celle du chapitre 2 du livre du prophète Osée, nous l’a crié : Dieu est amoureux !
Son amour pour son peuple est un amour passionné. Telle une femme adultère, Israël aura multiplié, au cours de son histoire, les infidélités. Un grand nombre de fois, le peuple aura démérité le titre " d’épouse ". Mais Dieu est tellement épris de sa nation qu’il ne renonce jamais à pardonner et à prendre l’initiative d’une nouvelle alliance. Avec quelques autres prophètes des huitième et septième siècles avant l’ère chrétienne, Osée a contribué à faire faire à l’humanité une véritable révolution spirituelle : Dieu ne doit pas être perçu comme un maître capricieux auquel il conviendrait d’obéir en tremblant. Dieu est amoureux et nous sommes appelés à répondre à son amour ! Le langage de l’Alliance entre Dieu et son peuple peut être désormais celui du mariage. " Tu es MON peuple, dit l’Éternel, et je suis TON Dieu. " Comme on dit : " Tu es MA promise et je suis TON fiancé "…
Jésus va encore plus loin dans la révélation de ce Dieu amoureux.
L’occasion se présente avec une nouvelle controverse que provoquent contre Jésus des scribes membres du parti des pharisiens. Celui-ci est à table avec des publicains et d’autres personnes considérées comme des pécheurs publics. " Comment se fait-il que tes disciples ne jeûnent pas, viennent-ils lui demander, alors que les disciples de Jean le Baptiste et ceux des pharisiens observent un jeûne ? "
Il ne nous est rien dit des raisons du jeûne des baptistes et des pharisiens. Probablement s’agissait-il d’un jeûne d’expiation des fautes, de purification interne comme ces deux groupes juifs avaient alors l’habitude d’en pratiquer. Le Judaïsme traditionnel n’est pas une religion qui cultive l’ascétisme. Les jeûnes d’expiation n’y sont pas trop encouragés. Ainsi le jeûne du Kippour, celui du pardon de toutes les fautes, est voulu d’abord comme un jour de joie : Dieu nous aime tellement qu’il nous pardonne ! Mais les baptistes et les pharisiens de l’époque avaient développé une spiritualité un peu différente.
Comme presque toujours, la réponse de Jésus n’emprunte pas les chemins de la polémique. À la question posée, il ajoute une nouvelle question : " Les invités de la noce pourraient-ils donc jeûner pendant que l’Époux est avec eux ? "
Quand on a à l’esprit le Livre du prophète Osée… et c’était le cas des scribes, ces spécialistes de la Bible… , il n’y a pas de doute. En se présentant comme l’Époux, Jésus assume un des titres de Dieu lui-même ! Lui Jésus au milieu de son peuple, c’est l’Époux parmi les hommes ! Lui présent ici et maintenant, c’est l’Époux d’Israël proche des siens comme jamais auparavant ! Comment, dès lors, les amis de l’Époux pourraient-ils jeûner comme si Dieu leur manquait ?
En insistant sur la joie qui ne peut qu’habiter les amis de l’Époux, les " garçons d’honneur " que sont ses compagnons ; en mettant l’accent sur le lien personnel qu’il a noué avec ses disciples, Jésus dévoile une nouvelle dimension de l’amour de Dieu. Ce n’est plus seulement du peuple que Dieu se veut l’époux : c’est aussi de chacun. L’Alliance n’est plus seulement une " alliance collective " : c’est également une alliance proposée à chaque personne.
Il faut mesurer tout ce que cela transforme dans notre rapport à Dieu. La vie ne peut pas être tout à fait la même selon que Dieu est perçu comme un Puissant qui vous domine et par rapport à qui il n’y a pas d’autre choix que d’obéir ou de mourir, ou s’il est connu comme un Être qui vous propose une relation amoureuse. " Tu es mon peuple, dit Dieu. Je vais te séduire, t’entraîner au désert, te parler coeur à coeur …;" Dieu s’offre. Jésus s’offre. Et il nous est proposé de nous offrir en réponse.
L’Alliance se décline comme un engagement de mariage ou une promesse d’amour : " Je me donne à toi, nous signifie le Christ, pour t’aimer fidèlement tout au long de LA Vie. " Et chacun peut répondre : " Moi aussi je me donne à toi pour t’aimer fidèlement tout au long de la vie… ;"
Régulièrement l’Église rappelle aux époux que le sacrement de mariage qu’ils se donnent ou se sont donné, est le signe de l’engagement de Dieu envers son peuple. Mais on peut également dire que l’amour de Dieu pour l’humanité et pour chacun est comme un engagement de mariage, une promesse d’amour… vraiment éternel. Dire " Mon Dieu est mon époux ! " n’est pas une affirmation réservée à quelques " champions " de la mystique comme " les deux Thérèse " (d’Avila et de l’Enfant-Jésus) ou saint Jean de la Croix : elle peut être la profession de foi de chacun.
Nous répétons sans cesse dans nos Églises que " Dieu est amour ", mais il y a souvent chez nous la tendance à concevoir cet Amour-là comme inaccessible, presque " au-delà " de ce que nous pouvons expérimenter. La Bible, et le Christ-Parole incarnée viennent pourtant nous dire : vos façons humaines d’aimer sont celles qui vous permettent aussi de vivre la Rencontre avec Dieu.
En insistant sur la joie qui habite ses compagnons qu’il présente comme ses " garçons d’honneur ", Jésus, de surcroît, nous rappelle que la religion ne saurait être morose… Ses disciples forment un groupe joyeux de gens qui mangent et boivent normalement… comme peuvent le faire les gens aimés. Certes, dans toute histoire d’amour il y a " des hautes et des bas ", des épreuves au milieu des moments de félicité. " Ce n’est pas rose tous les jours "… " Un temps viendra où l’Époux leur sera enlevé ; ce jour-là ses amis jeûneront ", prévient Jésus. Mais " l’état d’esprit " de l’Évangile, c’est la joie. Peut-être avez-vous entendu parler de ce livre qu’a publié récemment le romancier Didier Decoin et qui est une lecture joyeuse de l’Évangile : " Le Dieu qui riait ".
Références bibliques :
Référence des chants :