Homélie à l'occasion du Jubilé dans les prisons | Homélie du 8 juillet 2000

Dans cette même synagogue de Nazareth où se déroule l’Évangile que nous venons d’entendre, Jésus a annoncé qu’aujourd’hui s’accomplissait la prophétie d’Isaïe : "  L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a conféré l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils sont libres et aux aveugles qu’ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération, proclamer une année de grâce de la part du Seigneur " (Luc IV, 18-19).
Ce texte a été lu partout dans le monde, au temps de Noël, pour l(ouverture du Grand Jubilé. Entrer dans le troisième millénaire chrétien est une grâce. Il y a deux mille ans, par amour, Dieu s’est fait l’un des sujets de l’humanité parmi des milliards d’autres sujets tout en restant unique (Jean-Paul II, Le Christ rédempteur de l’homme, 1). Dieu s’est fait proche. On se fait toujours proche de celui ou de celle qu’on aime. Dieu ne pouvait se faire plus proche puisqu’il s’est fait l’un de nous.
Comment se fait-il alors que nous refusions cet Évangile ? Car nous sommes tous des compatriotes de Jésus, nous, réunis ce matin Eysses, vous aussi qui êtes devant votre télévision.
De quelles résistances devons-nous nous libérer de quelles incrédulités nous délivrer ? Quels changements devons-nous opérer, à quelles conversions consentir pour que cet Évangile redevienne une Bonne Nouvelle, ici et maintenant, pour tous et pour chacun ?

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Ici, à Eysses, nous sommes invités à nous redire que quelle que soit la situation où nous nous trouvons, le Christ cherche à nous rencontrer.
Certes, écrit Jean-Paul II dans le message qu’il publie pour cette journée de Jubilé dans les prisons : " Celui qui se trouve en prison pense avec regret ou avec remords au temps où il était libre et il subit lourdement un temps présent qui semble ne jamais ne devoir finir ". Certes les conditions de vie qui lui sont faites, le conduisent à penser que sa personnalité lui est comme volée. Il n’est est pas de même devant Dieu. Personne ne peut retirer à personne sa dignité d’enfant de Dieu. Créés à son image et à sa ressemblance (Genèse I, 26-27), nous vivons tous sous le regard de Dieu.
Rien n’échappe à ce regard, rien n’échappe à son pardon. Dieu pose sur chacun un regard d’amour, un regard qui ne condamne pas, un regard qui ouvre à la confiance, qui met debout et qui fait vivre. Des morts, il fait des vivants.
Ce matin, laissons le regard de Dieu s’arrêter sur nous. Laissons sa paix envahir notre coeur. Notre vie en sera profondément changée. Avec confiance nous avancerons de commencement en commencement.
Ici à Eysses, comme dans toutes les prisons du monde, pour tous ceux qui y vivent, comme pour tous ceux qui y travaillent, le temps n’est jamais mis entre parenthèses car il est habité par Dieu, il appartient à Dieu.
Voilà, frères et soeurs qui vous unissez à notre célébration par la télévision, voilà qui vous invite, qui nous invite à changer nous aussi notre regard sur la prison.
Certes, au nom de la prévention, pour se protéger, la société peut priver un homme de la liberté d’aller et de venir. Sans doute peut-elle le tenir aussi, un temps donné, dans un espace contraint, si elle ne trouve pas d’autre mode de punition.
Mais lorsque se referment les portes d’une prison ou d’un véhicule cellulaire, notre soulagement ne se réduit-il pas à la mesure de notre révolte, de notre indignation, de notre peur ? Ces portes ne sont-elles pas celles du mépris puis de l’oubli ?
Et nous nous laissons à penser qu’il y a des " prisons trois étoiles ", que l’on en fait toujours trop pour ceux qu’on y enferme, alors que les pauvres s’y appauvrissent toujours davantage. Nous nous en remettons – mais en les reléguant dans une même indifférence – aux personnels spécialisés de l’administration.
Aujourd’hui, pour écouter en vérité la parole libératrice de Jésus dans la synagogue de Nazareth, acceptons de convertir nos habitudes de pensée, renonçons à nos clichés.
Car, pour citer encore Jean-Paul II "  s’abstenir d’actions de promotion à l’égard des détenus, c’est réduire leur détention à une simple rétorsion sociale et la rendre odieuse ", insupportable.
Souhaitons que des mesures concrètes soient adoptées pour rendre vivables les prisons et donc que des moyens soient dégagés.
Soutenons les recherches en cours pour imaginer que la détention soit un temps qui mérite d’être qualifié d’humain et permette une réelle réinsertion.
Nous sommes encore loin du moment où notre conscience pourra être certaine d’avoir fait tout son possible pour prévenir… et pour offrir la possibilité d’un rachat et d’une réinsertion positive… Cela suppose un fort consensus social et une bonne compétence technique " (Ibid).
En cette année de Jubilé qui se veut, selon nos traditions juives et chrétiennes, un temps privilégié de libération, je considère comme un signe de Dieu les récentes prises de position médiatisées sur l’état de nos prisons, le rapport parlementaire qui vient d’être publié sur le même sujet, et la réflexion entreprise, à l’initiative de l’Aumônerie générale des prisons, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des établissements pénitentiaires autour du thème "  libérer les captifs " : elle a donné la parole à tous.

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Sans pardon, tu es mort ", écrit l’un de ceux qui y a pris part (Libérer les captifs). Changer son regard sur les prisons, sur ceux qui y vivent et sur ceux qui y travaillent, est une forme de pardon.
Soyons de ceux qui contribueront à ce que change l’opinion publique, à ce que se libèrent imagination et moyens pour que nos prisons, elles aussi, se transforment selon l’esprit de l’Evangile. Elles font partie de notre monde, un monde passionnément aimé de Dieu ; doit donc y être respecté le droit imprescriptible à rester homme et femme.
A la suite du Christ, avec audace, osons dire avec Jean-Paul II : "  Frères et soeurs détenus ".
J’étais en prison et vous êtes venus à moi " (Matthieu 25, 36).

Références bibliques :

Référence des chants :