Homélie de la Fête de la Sainte Trinité | Homélie du 9 juin 2001

Il y a dans la Bible, tout au début de cette grande bibliothèque qui nous dit à la fois qui est Dieu et qui est l’homme… mais surtout qui est l’homme dans sa relation avec Dieu – un grand portique d’entrée.

Après avoir pénétré sur les sept marches de la Genèse, où l’on nous révèle que Dieu est créateur, et créateur par Amour, il y a ces deux phrases qui viennent éclairer tout le projet de Dieu et toute la dignité de l’homme. C’est Dieu qui dit : «faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance».

Et comme pour mieux nous faire comprendre ce que cela veut dire, il ajoute quelques versets plus loin : «Il n’est pas bon que l’homme soit seul.»

Je crois que Dieu sait ce dont Il parle car, en cette fête de la Trinité, on peut dire qu’ «Il n’est pas bon que Dieu soit seul».

Nous voici donc à cette étape où l’homme redécouvre que c’est le visage d’un Dieu Trinité (Père, Fils et Esprit) qui dit le mieux le chemin qui mène à la communion et qui lui fait dépasser la solitude.

Mais avant d’aller plus loin, je voudrais m’arrêter un moment sur cette solitude à laquelle personne n’échappe, pas même le Christ qui, dans son questionnement ultime sur la croix, disait : «Père, pourquoi m’as-tu abandonné ?»

Il n’y a pas de communion possible sans cette prise de conscience de la solitude. Elle est ce lieu décapant où l’homme se révèle unique… car s’il est unique, c’est d’abord parce qu’il est seul, au sens qu’il n’est la photocopie de personne. Cette solitude est aussi l’expérience d’une brisure, d’une souffrance et de l’abandon peut-être… elle est encore le lieu du silence comme expérience de vie intérieure, là où chacun peut redécouvrir ce qui l’habite au plus profond de lui-même : c’est la prière, la méditation, le recueillement.

Aujourd’hui, Dieu nous réjouit en ces profondeurs de toutes nos solitudes pour indiquer le chemin qui mène à la communion… car si la solitude est souvent ce qui fait saigner le coeur de l’homme et le coeur de Dieu, la communion est ce qui le guérit. Je crois qu’il n’y a d’amour possible que pour ceux qui ont accepté de ne pas renoncer à cette part de solitude qui devient alors le terreau fécond de toute relation vraie.

En cette fête de la Trinité, Dieu nous redit que la vie est relation, et même que la vie naît de la relation. Cette expérience trinitaire rejoint une des quêtes les plus essentielles de tout homme : être quelqu’un pour quelqu’un dans une relation féconde, fidèle et respectueuse de chacun. Cela s’appelle… le bonheur !

En touchant au mystère de Dieu, on touche aussi au mystère de l’homme. À travers la Bible, ce lieu où Dieu se révèle de façon privilégiée, il nous est dit que Dieu est Père, Fils et Esprit. Le monothéisme de la foi chrétienne n’enferme pas Dieu dans la froideur d’une solitude céleste mais il découvre le visage de Dieu dans trois personnes distinctes que l’Amour partagé rassemble dans une unité si forte qu’on peut affirmer qu’il n’y a qu’un seul Dieu… mais pas un Dieu seul !

Je crois que cette Trinité de Dieu est un véritable trésor de notre foi chrétienne. Aucune autre religion n’affirme l’unité et l’unicité de Dieu de cette façon. Mais cette originalité n’est pas une illusion ou une construction théologique car la Trinité éclaire en fait l’identité profonde de l’homme.

Nous aussi nous pouvons faire l’expérience de la Trinité, découvrir ce que c’est qu’être créé à l’image et à la ressemblance de Dieu.
1. c’est d’abord le chemin qui mène à la rencontre de l’autre dans une relation faite de communion et non pas de fusion : c’est la différence entre la tour de Babel et la Pentecôte.
2. c’est aussi l’expérience de la fécondité. L’amour devient fécond (c’est-à-dire porteur de vie) lorsqu’il s’inscrit dans une reconnaissance des différences et qu’il se nourrit de l’altérité.
3. c’est la conviction que la différence sexuée de l’humanité hommes et femmes est un reflet de la vie trinitaire de Dieu. Sans doute est-elle, ici-bas, la condition de la survie de l’humanité mais, plus profondément, c’est une façon de reconnaître la vocation de chacun dans le projet créateur et sauveur de Dieu.
4. c’est encore la volonté de combattre toutes les solitudes stériles : l’accueil, la solidarité et le pardon sont des leviers puissants pour que l’amour triomphe de la haine et des exclusions.
5. c’est enfin – et parmi d’autres choses – le projet d’une vie solidement enracinée dans la vie de Dieu.

Un fleuve coupé de sa source se perd dans les eaux stagnantes et dans les marécages ; il nous faut sans cesse retrouver la saveur et la fraîcheur de ce qui peut irriguer notre vie… je veux vous dire que c’est l’Amour de Dieu. Je crois que l’Église et chacune de nos communautés chrétiennes peuvent témoigner de cette Trinité de Dieu, de cet Amour porté à sa perfection. Humblement, en solidarité avec nos frères et soeurs en humanité (et particulièrement les plus souffrants et les plus blessés par la vie) et dans une attitude de foi vécue.

Célébrer la Trinité, c’est engager le combat contre la solitude pour que toute vie soit transfigurée dans la plénitude de l’Amour.

Références bibliques :

Référence des chants :