Il y a dix ans, Brigitte, une amie sourde qui ne savait pas trop où Dieu voulait la mener. Au fond d’elle, une grande insatisfaction. Ancienne élève de l’Institut des sourds de Bourg-La-Reine, elle avait bien, dans sa jeunesse, entendu parler de Jésus. Les épreuves, la vie professionnelle, la maladie l’avaient éloignée de la foi.
– «Comment trouverais-je ma route si personne ne me guide ?»
Sur un tract, elle apprend qu’un échange biblique, animé en langue des signes, a lieu à l’aumônerie des sourds.
Elle se met en route à la découverte des Évangiles et retrouve, enfin, des paroles qui la font revivre.
– «À qui irions-nous, Seigneur, tu as les paroles de la vie éternelle ?»
Dimanche 6 mai, nous formons un cercle autour du lit de Brigitte. Atteinte d’un cancer, elle se repose. Une légère tape sur l’épaule, elle ouvre les yeux, son visage jaune sourit : elle vient de reconnaître Louis, le diacre sourd qui lui a permis de retrouver l’espérance. Avec ses mains, elle nous présente sa soeur, sa fille et une amie d’enfance. Peu après, nous communions tous au Corps du Christ. Une grande paix règne dans la chambre.
– «Qui mange de ce pain vivra pour toujours.»
Une semaine après, Brigitte passait sur l’autre rive.
L’Évangile de ce jour nous présente une foule affamée d’espérance et d’amour comme Brigitte et comme nous aujourd’hui.
Cinq mille hommes écoutent avec passion Jésus leur parler d’un monde nouveau, où les pauvres seront rassasiés et où l’amour sera roi. Ces hommes ne voient pas le temps passer : la parole de Jésus les remplit de joie ; leur coeur est brûlant.
Ce royaume commence ici et maintenant. Jésus, touché par notre détresse, ne se contente pas de parler. Il agit, il guérit et panse les blessures, il nous révèle un Dieu qui veille avec tendresse sur chacun de nous, comme une mère sur son enfant. Compassion de Dieu qui ne veut qu’aucun d’entre nous ne se perde.
Les disciples ne rêvent pas… Il se fait tard et il est temps de partir. Leur attitude est réaliste :
– «Nous ne pouvons pas nourrir une aussi grande foule !»
Il n’y a rien à faire. Jésus, ému par la faim de ces hommes refuse leur décision de renvoyer tous ces pauvres gens avec le ventre vide… Il leur donne cet ordre surprenant :
– «Donnez-leur vous-mêmes à manger !»
Cette parole de Jésus, pour nous aujourd’hui, est un appel à bouger. Je ne peux pas me débarrasser des autres. Je ne peux rester sourd aux cris de mes frères dans le besoin. De la même façon, quand, tous les soirs, le journal télévisé donne à voir un monde qui se déchire et s’entretue, je soupire et me lamente : il n’y a rien à faire ! Changer le monde, c’est impossible.
Comme à ses disciples, Jésus nous dit :
– «Allez vers vos frères et donnez-leur vous-mêmes le pain de l’espérance.»
Jésus prend les cinq pains et les deux poissons trouvés parmi la foule. Il lève les yeux au ciel, uni à son Père, il bénit, rompt les pains et les donne.
Comment ne pas penser au récit de la dernière Cène où Jésus remet sa Vie entre nos mains ? En cette fête du Corps et du Sang du Christ, rappelons-nous le formidable cadeau de Dieu :
– «Dieu a tant aimé le monde qu’il nous a donné son Fils…»
Quand nous recevons ce don inouï, la vie du ressuscité, nous sommes invités à propager l’amour autour de nous.
Quand nous communions au Pain de vie, nous accueillons le Christ non pour le savourer égoïstement mais pour le servir dans nos frères. Ce don de communion nous dévoile l’intention ultime du Père : faire de tous les hommes une multitude de frères.
L’humanité est le corps du Christ. Nous faisons partie de ce corps et nous ne pouvons accepter que la moitié des membres de ce corps souffre de la faim…
– «Regardez tous ces hommes et ces femmes qui, au lieu de crier que Dieu est aveugle, lui prêtent leurs yeux. Qui, au lieu de crier que Dieu est manchot, lui prêtent leurs mains. Qui, au lieu de crier que Dieu est muet, lui prêtent leur voix.»
Oui, qu’il est formidable de tout donner pour aimer.
Références bibliques :
Référence des chants :