Homélie de la messe à l'église Saint-Germain-l’Auxerrois | Homélie du 6 décembre 2008

 En ce début décembre, avec l’approche de l’hiver, certains pensent déjà à la neige, et peut-être… au ski ! J’ai demandé hier à un enfant s’il connaissait, en matière de ski, ce qu’on appelle une « conversion ». La réponse a été limpide : les deux skis doivent être bien perpendiculaires à la pente, puis en s’appuyant sur un seul pied, tu lèves l’autre pied et le ski avec, tu fais pivoter le tout à 90 degrés, puis tu ramène prudemment le deuxième pied – et son ski avec ! – parallèle au premier. Une conversion, cela sert à changer de sens !

 

 L’exemple du ski nous aide à comprendre le texte d’Évangile de ce matin. L’histoire qui est racontée là se passe loin de la neige, dans le désert. Nous y trouvons un certain Jean, dont la tâche consiste à plonger les personnes dans l’eau, à les baptiser, et c’est pour cela qu’on le nomme Jean le Baptiste. Ce Jean qui baptise demande à ceux qui l’écoutent une conversion, c’est-à-dire un changement de sens dans leur vie. C’est plus difficile de changer le sens de sa vie – de ne plus voler, de ne pas abuser de sa force, d’avoir soin du plus faible – que de simplement changer le sens de son corps dans la montagne !

 

Je me suis demandé pourquoi Jean Baptiste était dans le désert. Pour être écouté, ne vaudrait-il pas mieux se poster aux carrefours des grandes villes ? Mais le désert, c’est cet endroit où l’eau manque et lorsqu’on la trouve elle est tellement désirable ! Mais le désert, c’est l’endroit où l’être humain doit se dépouiller de tout ce qui n’est pas l’essentiel. Dans l’immensité et le silence, il devient comme une eau qui décante ; les poussières accumulées tombent au fond, l’eau par-dessus est plus limpide…

 

Allez ! Imaginez que vous y êtes : le désert, un maigre filet d’eau pour le baptême, Jean vêtu étrangement d’un manteau en poils de chameau…Eh bien ! La soif, soif d’un changement et d’un renouvellement doit toucher bien du monde puisque notre texte d’Évangile nous rapporte : « Toute la Judée, tout Jérusalem venait à Jean et tous se faisaient baptiser en reconnaissant leurs péchés ».

 

 Ceux qui ont soif de renouvellement vont être servis ! Jean le Baptiste voit venir à lui des personnes en quête de changement, mais il ne les garde pas pour lui. « Voici venir derrière moi celui qui est plus puissant que moi » annonce-t-il ! Il désigne évidemment Jésus. Je repense à une peinture admirable qu’on nomme le retable d’Issenheim, à Colmar, où l’artiste représente Jésus sur la croix et à ses pieds Jean le Baptiste, le doigt pointé vers le Christ, disant : « Il convient que lui grandisse et que moi je m’efface ». Jean attire mais ne bouche pas l’horizon. Jean désigne le seul qui est un chemin, Jésus de Nazareth.

 

 Grande nouveauté encore ! Jean le Baptiste annonce : « Moi je vous ai baptisé dans l’eau. Lui, Jésus, il vous baptisera dans l’Esprit Saint ! ». Le geste premier du baptême consistait à être plongé sous l’eau et à en être ressorti, par trois fois. Immergé sous l’eau, tu meurs ! Sorti de l’eau c’est comme une nouvelle naissance ! L’eau ne signifie pas seulement le nettoyage, la purification, mais la mort et la vie ! J’aime bien ces mots de l’apôtre Pierre qui écrit dans sa première lettre : « Le baptême n’est pas la purification des souillures du corps, mais l’engagement envers Dieu d’une bonne conscience ». Notre baptême, ce n’est pas un coup de magie pour vous rendre parfaits, c’est se plonger dans le désir d’être chaque jour attentif à l’Esprit de Dieu pour mettre ses pas dans les pas de Jésus.

 

Et maintenant, pour chacune et chacun d’entre nous, ceux qui sont baptisés comme ceux qui s’y préparent, puisque le baptême c’est être plongé dans la vie de Jésus et recevoir son Esprit, comment être fidèle à cet engagement ? Voici quatre étapes, comme quatre marches d’un escalier :

 

Première marche : accueille l’amour gratuit de Dieu. C’est parfois plus difficile qu’on le croie. Quand bien même tu juges que tout en toi n’est pas toujours aimable, rappelles-toi que par le baptême Dieu a dit à chacune et à chacun : « toi, tu es mon enfant bien aimé ».

 

 Deuxième marche : laisse-toi guider par l’Esprit de Dieu. Ce n’est pas difficile à comprendre : pour ceux qui manipulent la souris de l’ordinateur, il s’agit en quelque sorte de « cliquer ouvert » dans sa vie ! Le cœur, le regard, l’intelligence ouverts aux autres car l’Esprit de Dieu est répandu en tout être vivant et Dieu peut te faire signe par n’importe lequel de ceux que tu croises.

 

Troisième marche : laisses-toi conseiller par la Parole de Dieu. Cette Bible que toute ta vie tu peux découvrir et approfondir pas à pas, elle est un guide extraordinaire pour la randonnée de la vie. Elle fourmille d’indications pratiques qui te sortent du ronronnement d’un vague sentiment religieux et te redressent pour vivre debout avec les frères, en apprenant à pardonner, à servir, à encourager, à partager.

 

Quatrième marche : participes à la messe avec les autres, car tu ne feras pas longtemps tourner le moteur de ton baptême si tu ne recharges pas les batteries. L’eucharistie, c’est ta prière avec les prières des autres, ta présence au milieu de la présence des autres, ta foi renforcée par la foi des autres, ta parole et la parole des autres et la Parole de Dieu qui ne prend tout son sens qu’avec la communauté.

 

 Quatre marches, ce n’est pas insurmontable, surtout si l’on s’entraide. Quatre marches, afin d’apprendre à ne plus dire : « J’ai été baptisé… c’était en telle année… je peux vous montrer la photo… ». Mais pour apprendre à dire : « je suis un baptisé… je m’efforce de vivre comme un baptisé… un enfant de Dieu… ». Le baptême n’exprime pas seulement un moment, mais une manière d’être. Il ne désigne pas seulement un groupe chrétien dans lequel on est entré, mais le désir de suivre quelqu’un, Jésus le Christ.

 

 Bonne montée !

Références bibliques : Is 40, 1-5.9-11 ; PS84 ; 2P3, 8-14 ; Mc 1, 1-8

Référence des chants :