Homélie de la messe célébrée à Neuilly-sur-Seine | Homélie du 18 novembre 2006

Si je vous demandais, les enfants, qui est Jésus, vous me répondriez certainement qu’il est né à Bethléem, qu’il à vécu en Palestine, qu’il est mort à Jérusalem, qu’il est ressuscité… Toutes choses vraies mais qui font de Jésus un homme du passé. Or, aujourd’hui Jésus nous dit : « non, je ne suis pas qu’un personnage historique, je suis un homme d’avenir. Je viens ». S’il nous parle de sa venue, c’est comme pour nous forcer à nous tourner vers notre futur, les yeux interrogatifs sur ce que nous allons devenir en grandissant. Car c’est là que Jésus vient. Dans notre avenir.

Ce qui peut surprendre ou nous gêner, c’est d’entendre la manière dont Jésus parle de sa venue. On attendrait des choses joyeuses et consolantes. Il nous parle de catastrophe naturelle ! Mais si nous avons bien entendu l’Évangile, pour Jésus, la détresse dont il parle n’est pas le signe de la fin du monde, mais le signe de l’avènement d’un monde nouveau, celui de sa proximité (« quand vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche »). Avènement d’un monde qui dit la victoire sur tout ce qui nous sépare les uns des autres (« il enverra ses anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde »). Autrement dit, quand Jésus vient, le monde n’est plus un obstacle entre nous et lui. Le monde cesse de nous monter les uns contre les autres. Ce monde « adversaire » passe, ce monde de détresse s’écroule. Seule la parole de Dieu, celle qui nous fait vivre et espérer, reste inébranlable : « mes paroles ne passeront pas ».

Quand nous traversons des épreuves, quand il nous semble que le monde s’écroule sous nos pieds, quand, par exemple, des parents voient leur enfant grandir en abandonnant les chemins de la foi, ou quand vous, les enfants, vous voyez vos grands-parents vieillir et perdre leurs forces… dans tous ces moments douloureux, l’Évangile nous invite à croire que cette crise nous dit quelque chose de Dieu. La fin d’un monde peut révéler l’inattendue proximité du nouveau monde où Dieu vient victorieux.

Bien évidemment, tout drame n’est pas signe de l’avènement de Dieu. Nous devons nous méfier de ceux qui tiennent des discours, qui manipulent les personnes éprouvées. Ils profitent de leur détresse et de leur fragilité pour les endoctriner. Nous devons également nous méfier des prophètes de malheurs qui sont toujours nombreux. Déjà au début du concile Vatican II, le bienheureux Jean XXIII s’était élevé contre les prophètes de malheur de son temps. Il disait : « Dans la situation actuelle de la société, ils ne voient que ruines et calamités ; ils ont coutume de dire que notre époque a profondément empiré par rapport aux siècles passés ». Ces prophètes de malheurs, concluait le bienheureux pape, profitent des difficultés de la vie présente pour se tourner vers le passé, comme si tout était parfait autrefois, comme si l’avenir de l’Église passait par un retour en arrière, comme si Jésus venait toujours du passé, et d’un passé idéalisé.

Espérer la venue du Fils de l’homme lorsqu’on ne voit que des signes qui font peur n’est pas évident. Pourtant cette espérance nous enracine au cœur de la foi chrétienne, à savoir la mort et la résurrection de Jésus Christ. Ceux qui étaient au pied de la croix, racontent les Evangiles, n’ont pas spontanément perçu l’avènement d’un nouveau monde. Pas de venue du Christ avec grande puissance au Golgotha, mais sa mort dans une grande faiblesse. Même les amis de Jésus, ses proches, ceux à qui il avait annoncé sa résurrection et sa victoire, même eux n’ont pas vu, dans la mort sur la croix, le signe éclatant de la victoire de Dieu. Pourtant ce jour-là, nous dit l’Évangile de saint Matthieu, la terre a tremblé, des rochers se fendirent, des corps de défunts ressuscitèrent… Mais tous ces signes n’ont pas convaincu les disciples. Il faudra que Jésus ressuscité aille lui-même les chercher pour les tirer de leur détresse.

Les disciples ont difficilement vécu le passage de la mort à la vie. Ils n’ont pas cru au passage d’un monde marqué par le péché – et qu’est-ce que le péché sinon ce qui nous conduit à choisir la mort ? – à un univers façonné par la grâce de Dieu – et qu’est-ce que la grâce sinon ce qui nous invite à choisir la vie dès maintenant ? Inutile de rêver : nous n’éviterons pas pour nous-mêmes, pour notre Église, cette traversée éprouvante de la mort à la vie. Mais comment s’y préparer ?

L’eucharistie nous éduque. Elle éduque notre regard pour reconnaître la venue de Jésus à travers ce qui nous arrive, à travers ce qui survient dans le monde.
Célébrer la messe comme nous le faisons, aujourd’hui ici à Neuilly, dans une école, et un peu partout dans le monde grâce au Jour du Seigneur, n’est pas se souvenir d’un événement du passé. Ce n’est pas réciter une leçon. L’eucharistie ne consiste pas – nous dit la seconde lecture – à refaire sans cesse les mêmes gestes et à rabâcher les mêmes paroles pour obtenir le pardon de Dieu. Nos péchés sont enlevés par la mort de Jésus. Mais l’eucharistie nous pousse à inventer maintenant avec le Christ une vie d’homme et de femme pardonnés. L’eucharistie nous apprend à grandir en espérance, en proximité amoureuse avec Dieu.

Madeleine Daniélou en avait la conviction : « Les apparences, si cruelles parfois, d’un monde imparfait et plein de souffrances n’arrêtent pas l’apôtre qui sait que l’amour aura le dernier mot… » L’eucharistie que nous célébrons ensemble n’est-elle pas le dernier mot de cet amour de Dieu ?

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Prière de Madeleine Daniélou

Madeleine Danielou, a fondée sa vie sur l’Evangile et la mise en pratique. Elle méditait beaucoup dans cette chapelle. Elle nous a donné cette belle prière d’intercession et de confiance :

O Jésus, vraie lumière, illumine mes ténèbres.
Tout sans toi, est obscur :
la destinée humaine, la profondeur des cœurs,
les événements extérieurs.

Mais, toi présent, tout s’éclaire et nous voyons, Jésus,
le peu que nous sommes et la grandeur de ton amour,
et la voie que nous devons suive, et les perspectives du ciel.

Fais, Seigneur, que ma vie soit pure et transparente comme le cristal, afin que cette douce lumière que tu es,
éclaire ceux qui m’entourent.

Sois en moi une flamme intérieure, jamais éteinte, jamais cachée. Fais que ceux qui m’aimeront ou dépendront de moi,
ceux qui me verront vivre, soient doucement attirés à toi,
seul bien véritable,
seule source de sainteté et de bonheur,

ô Jésus-Christ, mon cher Seigneur,
que je veux faire connaître et aimer.

Amen

Références bibliques : Dn 12, 1-3 ; Ps 15 ; He 10, 11-14. 18 ; Mc 13, 24-32

Référence des chants :