Homélie de la messe célébrée à Rennes | Homélie du 22 septembre 2007

« Aucun domestique ne peut servir deux maîtres. » Voilà la parole de Jésus aujourd’hui. Il nous explique pourquoi : « Ou bien il détestera le premier, et aimera le second ; ou bien il s’attachera au premier, et méprisera le second. »
 Jésus pense peut-être à une autre phrase qu’il a dite un autre jour : « Vous n’avez qu’un seul maître, le Christ. » Si nous n’avons qu’un seul maître, il est donc impossible d’en avoir deux. Jésus met ici le doigt sur notre vrai problème. Servir deux maîtres rend la vie difficile, incompréhensible.
 En vérité, nous n’avons qu’un seul maître : Dieu lui-même. Quand quelqu’un a reconnu Dieu dans sa vie, alors les autres choses, quelles qu’elles soient, ne peuvent pas devenir un maître pour Lui.
 Je vous propose d’écouter Didier qui habite dans un quartier de Rennes où toutes les maisons sont abandonnées les unes après les autres, elles sont murées. Didier vit là, seul. Il a mis du temps à s’habituer à cette maison car il était tellement habitué à vivre dans la rue après avoir été abandonné dès l’âge de quatre ans. Guy, pouvez-vous nous redire les mots de Didier ?
« Dieu a toujours donné la main à moi. C’est Dieu qui m’a aidé, j’en suis sûr et certain. Autrement, si Dieu n’avait pas été là pour moi, je ne serai peut-être plus de ce monde. Même maintenant, il m’arrive un pépin, je m’en fous. Dieu est toujours avec moi. Moi, j’ai du monde de temps en temps qui vient. Ils me demandent si je n’ai pas à manger ; si j’ai, je donne parce que, Dieu, je suis son chemin. »
 Le maître de Didier, c’est Dieu. Il continue en nous disant très bien qu’il est impossible d’avoir deux maîtres. Écoutons-le à nouveau : « Le pauvre reste toujours le pauvre, mais ça donne toujours du courage quand le pauvre a un peu d’argent dans ses poches. Il peut aller à droite ou à gauche, sans oublier la lumière. La lumière nous a éclairés bien davantage parce qu’on a connu des choses difficiles. La lumière nous soutient. Il y en a qui sont riches et ne veulent pas partager. Ils disent qu’après tout c’est leur argent. Mais je ne suis pas d’accord là dessus. L’argent, Dieu nous l’a donné pour se nourrir et s’habiller, pas pour s’enrichir. Beaucoup délaissent Dieu pour l’argent. »
 Pour Didier, il est clair que ceux-là méprisent Dieu parce qu’ils sont attachés à l’argent. Ils ont fait de l’argent leur maître et il leur est devenu impossible de penser que Dieu est aussi leur maître. Dès que l’homme choisit un maître qui n’est pas Dieu, il oublie son Créateur. Plus grave encore, il méprise Dieu car ils ne le considèrent pas comme le maître de tous leurs biens et, en premier, de leur vie.
 Marcel nous parle aussi de ceux qui ont choisi Dieu pour maître, et ceux qui ont choisi une autre chose comme maître dans leur cœur. Écoutons Marcel : « D’un côté, les gens amoureux de leurs possessions, les riches, ceux qui font gloire de leur renommée, de leurs vertus. Ils prétendent presque d’avoir un droit sur Dieu et ils sont fermés à la bonne nouvelle de Dieu, à sa parole d’amour. De l’autre côté, il y a les fidèles prêts à s’ouvrir au message d’amour gratuit de Dieu parce qu’ils ne font pas cas de leurs possessions. »
 Marcel nous explique ce que nous devons faire avec l’argent que nous avons ou avec les moyens que nous possédons : « Dans ce texte, c’est l’argent qui intéresse, et le riche prend les moyens pour en avoir. Nous, qui nous disons fidèles de Dieu, nous devons prendre les moyens que Dieu nous a légués et les distribuer. »
 Mais, pour Marcel, ces moyens sont au fond du cœur. Écoutons-le : « Nous, croyants, sachons donc nous faire des amis avec le bien qui est au fond de notre cœur car la valeur de la vie passe par l’amour et cet amour doit être sans limite. »
 Celui qui choisit Dieu pour maître découvre beaucoup de richesses en lui. Il peut toutes les partager parce qu’aucune de ces richesses ne devient un maître pour lui. Avec ces richesses du cœur, il se fait des amis. Tous ceux qui reconnaissent Dieu pour maître, deviennent des frères car ils se partagent tous les biens que Dieu leur donne.
 Écoutons ce qu’a dit Lisette quand nous avons réfléchi ensemble sur les lectures d’aujourd’hui, au bas des tours du quartier : « Ici, au bas des tours, on vit une mini-société de frères. On n’est pas propriétaires, mais gérants de ce que nous avons reçu. Notre richesse, c’est le partage. Ici, chacun est à l’aise, chacun prend la parole. Je suis émerveillée. Être riche en cœur, en créativité, en amour, en humour, c’est bien différent d’être riche d’argent… »
 Ainsi, Jésus nous invite à vivre en ayant Dieu pour maître, un maître de chaque jour. S’il est notre maître, alors nous lui parlons, nous le prions, et il nous donne du courage, de la patience, de la joie. Écoutons à nouveau Didier : « Quand j’accueille quelqu’un à ma table, je leur dis : même si vous mangez à la maison, on se lève et on prie. Quand je suis tout seul, je ne touche pas à mon assiette, je prie avant. Le soir, avant de me coucher, je prie aussi. Quelque fois, on vient me voir alors que je suis dans ma chambre. Ils me disent : que fais-tu dans ta chambre ? Je leur dis : je prie, Dieu est avec moi. Ils sont étonnés. Quand je prie, je dis des chants et je remercie Dieu de m’avoir aidé. Je demande aussi la force. J’ai dû aller cette semaine à l’hôpital me faire recoudre après une chute. J’ai dit à Dieu : "Je te remercie, tu m’as donné le courage.»
 Dieu nous a donné tous les biens. Il nous a donné la vie, sa parole, son amour, sa paix. Il nous a tout donné en nous donnant son Fils Jésus, Dieu a partagé avec nous tous ses biens.
 Le bon gérant est celui qui fait comme Dieu. Lui aussi partage tous ses biens car il sait qu’ils viennent de Dieu. Dieu les lui a confiés pour qu’il les partage.
 Si nous partageons nos biens matériels, nous sommes un bon gérant pour de petites choses. Alors, Dieu nous confie de plus grandes choses, à savoir les biens du cœur. Nous partageons la paix, l’amour, la joie.
 Je laisse le dernier mot à Didier qui évoque très bien ce qu’est le bon gérant de l’Évangile :
« La lumière nous donne beaucoup plus de force de donner à ceux qui en ont besoin. Je donne parce que c’est Dieu qui me le demande. »
 Soyons heureux de partager les biens que Dieu nous donne.

Références bibliques : Am 8, 4-7 ; Ps. 112 ; 1 Tm 2, 1-8 : Lc 16, 1-13

Référence des chants :