Homélie de la messe de l'Assomption de la Vierge Marie | Homélie du 14 août 2001

Soeurs et frères dans le Christ,
 La fête de l’Assomption est sans doute l’une des mieux célébrées en l’honneur de la Vierge Marie, car en ce temps de vacances, beaucoup d’européens se rassemblent dans les Sanctuaires. Traditionnellement, en France, les pèlerinages rappellent combien nos ancêtres ont confié, voire consacré le destin de notre pays à Marie, invoquant sa protection dans les heures difficiles des guerres, des épidémies, la priant de conjurer leurs incertitudes face à l’avenir. En 1950, définissant le dogme de l’Assomption, le Pape Pie XII précisait : " Cette fête ne rappelle pas seulement que le corps inanimé de la Vierge Marie n’a subi aucune corruption, mais aussi qu’elle a triomphé de la mort et qu’elle a été glorifiée dans le ciel, à l’exemple de son Fils unique Jésus-Christ " (Constitution apostolique Munificentissimus Deus Pie XII, 1er novembre. 1950).

Ce que l’Église nous propose par l’image de Marie élevée à la gloire du ciel, ce n’est pas d’abord la protectrice de nos intérêts ou de nos âmes, mais la femme fidèle en sa foi et associée au salut de tous, par l’Esprit Saint, dans la mise au monde de Jésus. " Elle a triomphé de la mort ", disait le Pape Pie XII ; or ce que nous venons d’entendre, lors de la lecture de l’Apocalypse comme dans la Lettre de saint Paul aux Corinthiens, c’est bien ce combat entre les puissances de ce monde, les forces du mal, et l’enfant menacé de mort dès sa naissance. Pour être désormais dans la paix et la lumière resplendissante de Dieu, Marie n’en est pas moins la première chrétienne engagée dans les conflits entre le péché et la grâce, la violence des hommes et l’amour indépassable de Dieu. Marie n’est sainte que comblée de la grâce de Dieu, elle n’est mère de tous que par la bienveillance du Père. Et cela en vue du salut de ce monde. Elle n’est pas pour nous une divinité hors du temps ; fille d’Ève, elle est aspirée par la promesse faite en Abraham pour les siens à jamais.

Il est important de rappeler cela, car il est des manières de célébrer la " Reine du ciel " qui semblent passer sous silence qu’elle connut le chemin de la croix afin de participer à la victoire sur la mort dans le Christ ressuscité. Jean-Paul II le dit : " Comme elle est grande, comme elle est héroïque l’obéissance de la foi " dont Marie fait preuve face aux ‘décrets insondables’ de Dieu ! Par une telle foi, Marie est unie parfaitement au Christ dans son dépouillement " (Encyclique Redemptoris Mater n°18 ­ 25 mars 1987).

Ce que la tradition dit de Marie peut s’appliquer à l’Église : elle aussi, fidèle à sa foi, est associée par l’Esprit Saint à la mise au monde de Jésus. Prise dans le conflit entre la fidélité à l’amour et les passions violentes de l’histoire, elle présente au monde l’enfant fragile du souffle de l’Esprit. De même que Marie, l’Église pourrait être regardée comme hors du temps et l’on attendrait d’elle des talents miraculeux; n’est-elle pas critiquée lorsqu’elle n’exauce pas des attentes humaines ? L’Évangile nous révèle au contraire que l’obéissance de la foi est une épreuve, un désert où les fruits de l’Esprit sont menacés de mort. C’est de la passion et de la résurrection du Christ que Marie tient sa gloire : celle-ci est faite d’ouverture, d’humilité et de faiblesse rachetée dans l’amour. Il ne faut pas s’y méprendre : si le Moyen Âge a paré la Vierge du diadème et des perles de ses reines, la gloire de Dieu est à l’opposé des glorioles humaines. Elle est la victoire de la vie à l’encontre des multiples violences ou des gloires des hommes.

C’est bien pour cela que nous aimons prier Marie : elle est proche de nos joies et de nos douleurs; les mystères joyeux et douloureux du rosaire sont la porte vers la gloire du Christ, nous sommes des pèlerins vers ce bonheur paisible des derniers mots de Jésus sur l’homme : le pardon et la grâce. C’est ainsi que le Magnificat prend tout son sens ; il n’est pas l’exaltation de la richesse, de la superbe et de la puissance, il est l’émerveillement devant Celui qui relève le pauvre, regarde les humbles, nourrit les affamés et maintient malgré tout la promesse d’alliance. Nous n’aurons jamais fini de comprendre cette victoire de Dieu sur les forces de mort et de destruction, car elle n’est ni une contre puissance ni l’écrasement du vaincu, mais le tissage discret d’une ouverture du coeur, un salut de l’esprit, pour partager en Dieu cette merveille de la communion à sa volonté, à ce qu’il est, à ce qu’il veut sauver.

C’est cette fidélité radicale que Dieu assume, qu’il couronne en cette fête, pour donner à Marie sa gloire, je veux dire la plénitude de son espérance.

Amen.

Références bibliques :

Référence des chants :