Homélie de la messe de Royan | Homélie du 30 août 2008

Lorsqu’on peut contempler cette église Notre-Dame depuis les environs de Royan, on se rend très bien compte qu’elle est un édifice dressé, élevé vers le ciel. Telle était en effet la volonté de ses constructeurs. Ils désiraient montrer que, malgré les tragiques bombardements de janvier 1945, les populations n’avaient pas été abattues mais continuaient de vivre debout.

 

Oui, cette église est exceptionnelle par son surgissement, par l’élan qui l’anime. Elle nous donne à voir, du moins elle nous fait pressentir, le cœur de notre foi chrétienne : nous sommes appelés par Dieu à être élevés jusqu’à lui. C’est le talent de l’architecte que d’avoir réalisé un bâtiment qui symbolise l’élévation à laquelle l’humanité est destinée.

 

Dieu est descendu…

 

Mais, si Dieu désire depuis toujours nous faire monter jusqu’à lui, Il est d’abord « descendu du ciel », comme nous l’affirmons dans le Credo. Il est venu partager intégralement notre condition humaine. Il a accepté d’être vraiment affecté par nos souffrances, nos épreuves, notre mort biologique.

 

C’est ce que Jésus annonce à ses disciples, ce qui provoque la vive réaction de Pierre. Celui-ci, éclairé par l’Esprit Saint, venait de reconnaitre que cet homme est le Messie de Dieu. Il ne peut qu’être dérouté par une telle annonce qui contredit sa perception spontanée du Christ. Elle sera renouvelée à deux reprises, comme l’attestent les Évangiles synoptiques, pour faire mûrir les disciples dans la foi. Dieu, à première vue, ne peut pas souffrir comme un être humain. Pourtant, si !

 

En s’incarnant, il n’a pas fait semblant de devenir homme. Il s’est immergé dans notre pâte humaine avec nos valeurs et nos lourdeurs, nos blessures et nos réussites. Jésus a ressenti la fatigue et la tristesse, l’incompréhension et la trahison des siens, même le sentiment d’être abandonné de son Père, toutes ces situations qui sont les nôtres, un jour ou l’autre. L’humanité du Christ n’est pas une enveloppe extérieure de sa divinité. Il est vraiment homme comme il est vraiment Dieu. Depuis ses débuts, l’Église s’est battue et se bat pour tenir les deux bouts de la chaîne : le même est à la fois pleinement Dieu et pleinement homme. Sauf le péché qui, précisément, retarde notre humanisation véritable !

 

C’est dans notre condition humaine que le Christ a témoigné du don parfait de lui-même à l’humanité dans l’union à son Père. Jusqu’au bout, c’est-à-dire sa Passion et sa mise à mort, assumées librement. Non pas que les souffrances aient valeur en elles-mêmes. Bien au contraire, nous devons tout faire pour les combattre, les atténuer et, si possible, les supprimer. Mais, nous sommes dans un univers créé en évolution. Je pense à cette remarquable émission de France 3 L’odyssée de l’espèce. Elle a présenté une synthèse des connaissances actuelles sur la lente émergence de l’humanité durant plusieurs millions d’années. Dans un tel univers, dans notre existence humaine en construction, les souffrances sont inévitables. Telle est bien notre expérience. Nous nous humanisons, peu à peu, comme à tâtons, en nous libérant vaille que vaille des contraintes, des fragilités et des incohérences qui pèsent sur nous et parfois nous accablent. C’est lentement que nous devenons semblables au Christ.

 

…pour nous élever à lui

 

Car si Dieu est descendu parmi nous, c’est pour nous élever à sa condition divine. Telle est sa « volonté » que Paul, dans la seconde lecture, nous invite à « reconnaitre » pour être transformés. Depuis toujours, Dieu désire pour nous le plus haut niveau d’existence : le sien. Le Christ vivant entraine, dans sa vitalité de Ressuscité, l’humanité entière pour qu’elle partage l’intimité de la Trinité et trouve ainsi sa plénitude.

 

Chaque personne est unique. Lorsqu’elle sera définitivement semblable au Christ, ce qui commence au baptême pour les chrétiens, elle sera devenue pleinement elle-même, dans une fraternité accomplie.

 

Cette volonté de Dieu se réalise peu à peu, à travers tout ce qui nous élève, nous rassemble, nous réconcilie. En tenant compte de nos prises de responsabilités en ce sens ou de nos refus.

 

J’en donnerai un seul exemple. Qui, en 1945, aurait imaginé que les Français et les Allemands, après trois guerres en moins d’un siècle, se seraient réconciliés et travailleraient ensemble à l’unité de l’Europe ?

 

Notre foi nous donne l’assurance que le projet de Dieu avance, malgré les apparences contraires. Chaque époque a ses difficultés, dans la société comme dans l’Église. À l’image de ce bâtiment, chef d’œuvre en péril, affronté à une nécessaire restauration. Mais, comme l’écrivait Pascal au XVIIe siècle : « Il y a plaisir d’être dans un vaisseau battu de l’orage, lorsqu’on est assuré qu’il ne périra point. »

Références bibliques : Jr 20, 7-9 ; Ps.62 ; Rm 12, 1-2 ; Mt 16, 21-27

Référence des chants :