Homélie de la messe du 13 septembre 2020 à Bichancourt

Homélie de la messe du 13 septembre 2020 à Bichancourt

Ah! le pardon! Le pardon ! Nous sommes au cœur de la vie chrétienne ! Mais qu’il est difficile ce pardon ! Difficile à donner ! Parfois difficile à recevoir…

Les paraboles de la miséricorde chez St Luc – la brebis perdue et retrouvé, la pièce perdue et retrouvée, le fils perdu et retrouvé – se terminent pourtant toutes par une fête ! La joie, l’allégresse règne quand le pardon est donné ! Et avec vous chers fidèles qui nous regardez en direct, nous avons chanté, au début de cette messe, “jubilez, criez de joie”! Le cœur de notre foi ne peut être triste ! Se réconcilier avec ses frères, avec Dieu: n’est-ce pas un soulagement ?

Mais pourquoi, rechignons-nous au pardon ? Pierre, avant nous, semble compter son pardon: “ jusqu’à sept fois? ” Oh, c’est difficile de pardonner ! Je pense à vous et à vos aînés, habitants de Bichancourt et de sa région. Les deux guerres mondiales qui ont secoué si durement notre monde au XXème siècle ont laissé des traces. Cette église pose ses fondations sur votre église précédente, détruite par la grande guerre. Elle a été magnifiquement décorée des fresques de Louis Mazetier dans les années 1920. Mais les verrières du même artiste, nous ne les voyons pas: une deuxième fois les bombes ont endommagé l’église en 1940. Derrière ces meurtrissures, il y a aussi les familles endeuillées… C’est dur de pardonner. Et de pardonner plusieurs fois !

Alors comment notre évangile va éclairer ce pardon à donner, et à redonner ? Jésus va répondre au-delà de la question de St Pierre ! Il se prononce sur le nombre et sur la manière de pardonner ! De nombre: il n’y en a pas: 70 fois sept fois, ça veut dire toujours ! Inlassablement ! Comme notre Père des cieux quand nous allons nous confesser ! Dieu est infatigable en pardon ! Bien des fois, nous pouvons nous demander à quoi cela sert d’aller encore confesser les mêmes péchés ! Dieu ne s’en lasse pas ! Il serait plutôt du genre à s’inquiéter que nous n’allions pas à lui; bloqués par un péché récurrent ! Dieu aime pardonner, frères et sœurs ! Pas de nombre donc !

Mais la manière? Quelle est-elle ! Comment pardonner ? C’est la fin de la parabole qui nous en parle : pardonner du fond du cœur, sinon, ce n’est pas un pardon ! Chers enfants, comment avez-vous réagi à l’attitude de l’homme de la parabole ? Son maître passe l’éponge sur son immense dette. (J’ai fait le calcul: il devait sans doute autour de 200 tonnes d’argent massif. Aujourd’hui, ça vaut près de 144 millions d’euros.

Le voici, presque étranglant son compagnon qui lui devait une petite somme ! “C’est pas juste!” On entend ça parfois dans les cours de récréation ! vous auriez réagi certainement comme les compagnons de cet homme. Vous connaissez le Notre Père, chers enfants, et vous chers fidèles qui priez avec nous depuis votre domicile. Avouons-le, la phrase la plus difficile à prononcer de cette prière des enfants de Dieu, c’est bien l’avant dernière: “ pardonne-nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés ”. Parmi nous, n’y en a-t-il pas qui gardent le silence à ce moment-là ? Oui, car il peut y avoir une rancune qui traîne dans notre âme et qui empoisonne notre vie…

Ces pardons non donnés, ces dettes non remises sont nos véritables bourreaux. “ si un homme nourrit de la colère contre un autre homme, comment peut-il demander à Dieu la guérison ? ” nous disait le Sage dans la première lecture. “ Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux ” enseignera plus tard Jésus. Nous voyons bien que l’amertume est un poison dont le pardon “du fond du cœur” est le remède. Pardonner, c’est remettre une dette parce que le Seigneur a payé la nôtre de sa vie ! Pardonner, c’est consentir par amour du débiteur qui est notre frère, à ne pas être remboursé alors qu’il nous devait !
Pardonner, c’est accepter un certain appauvrissement. Oui, mais c’est surtout s’enrichir ! Heureux les pauvres de cœur, le royaume des cieux est à eux ! Pardonner, c’est goûter la joie d’un cœur pacifié, libéré des rancunes et des colères ! Pardonner c’est enfin retrouver le Père sans retenue, sans réserve. Ce Père aimant et pardonnant! Alors, oui ! Le pardon ! Du fond du cœur ! Et plutôt 70 fois que sept fois !

 

Références bibliques : Si 27, 30-28, 7 ; Ps 102 ; Rm 14, 7-9 ; Mt 18, 21-35