Celles et ceux qui ont déjà fréquenté un architecte pour discuter des projets de construction ou de rénovation de leur propre maison, savent par expérience que tout commence par un rêve. Tôt ou tard, ces discussions font prendre conscience qu’une maison ne demande pas seulement un rêve, mais qu’elle repose aussi sur des fondations solides. Les lectures de ce dimanche nous font rêver d’une maison spéciale. Cette maison s’appelle l’Eglise. Avec la Parole de Dieu comme architecte, nous pouvons chercher aujourd’hui les solides fondations nécessaires pour cette maison.
Il se peut que la première la première lecture suggère un peu que lcs bases solides peuvent être trouvées lorsqu’on détient les clés de la maison. Ce n’est pas le cas, comme le montre la vieille histoire de Sebna – qui n’est pas le personnage biblique le plus célèbre, j’en conviens. Cependant, Sebna n’était pas le premier venu à son époque. En tant que commandant du temple, il était un haut fonctionnaire royal. Les dix versets que la Bible lui consacre à peine nous fait nous souvenir à jamais de lui comme un homme d’apparence : la maison de Dieu, le Temple de Jérusalem, ne mérite rien de moins que le meilleur, le plus beau, le plus grand.
Cet excès de zèle pour tant d’apparence extérieure fait cependant oublier à Sebna que la religion telle que voulue par Dieu lui-même ne se limite jamais à un simple service au temple, mais tout autant, oui, encore plus d’un service à la personne. Mais Sebna ne se soucie guère du sort des pauvres et des opprimés. C’est pourquoi, pour Dieu, la mesure est plus que comble. Sans aucune hésitation divine, Sebna est privé des puissantes clés. La confiance est perdue. Les clés sont perdues.
Avec Eliakim, Dieu veut confier les clés du temple à quelqu’un qui prend soin des autres selon le désir de Dieu, à l’image de ceux qui voient Dieu comme un père. Ce qui a sans aucun doute fait la “une” des journaux à l’époque de Sebna, nous fait comprendre que le pouvoir de la clé n’est pas synonyme du droit de détenir la clé. Dieu ne construit pas sur des droits et des pouvoirs. Dieu construit sur la confiance. Et quand, bien des siècles plus tard les nouveaux croyants à Rome construisent une première communauté ecclésiale, Paul les encourage à ne jamais oublier: toute chose vient de Dieu, par Dieu et pour Dieu! L’histoire de Sebna avertit aussi même ceux qui construisent ou rénovent l’Eglise aujourd’hui: ne faites jamais des apparences, des droits et des pouvoirs, votre préoccupation première ou exclusive. Le fondement de notre Église est la confiance. La confiance de Dieu dans chacune et chacun. C’est aussi notre confiance en Dieu et notre confiance mutuelle. Notre Église est-elle, de nos jours, le foyer de cette solide confiance ? Car il ne sert pas à grand-chose de restaurer les défauts du clocher de l’église si les fondations, c’est-à-dire la confiance, devaient laisser apparaitre de larges fissures. D’ailleurs, les fondations, c’est bien plus que faire confiance à Dieu. Pour ceux qui aiment les anecdotes historiques, cela désabuse peut-être trop… mais franchement, les quelques versets de l’évangile sur la remise des clés de l’Eglise dans les mains de Pierre ont été fortement exagérés par la tradition. En réalité, ces clés ne sont pratiquement rien d’autre qu’une note de bas de page détaillée dans un vaste document.
Car même d’un point de vue évangélique, il ne s’agit pas vraiment de clés, ni du pouvoir qui leur est attaché. C’est Simon, le fils de Jonas, le pêcheur têtu qui se tient toujours bien volontiers au premier rang qui nous permet de distinguer encore plus précisément le fondement nécessaire grâce à une réponse impressionnante à la question remarquablement pénétrante que Jésus a posée à tous les disciples : “Et vous, qui pensez-vous que je suis ?” Simon est le premier des douze à témoigner avec les mots les plus forts et les plus puissants qui ne suggèrent rien d’autre que de la passion et de la sincérité. Jésus est pour lui, le Christ, le Fils du Dieu vivant. Peut-être cela échappe-t-il à notre attention mais Jésus ne remarque même pas la justesse infaillible de cette réponse. Il est plus significatif de voir comment Jésus, au-delà de cette vérité, apprécie la réponse de Simon.
Jésus le nomme “heureux”, “un homme béni”. Après tout, les paroles de Simon osent faire confiance à Dieu et s’appuyer sur lui. Ce n’est pas recevoir la meilleure opinion des gens qui passe en premier. Un tel témoignage authentique mérite l’appréciation de Jésus : c’est pourquoi à Simon est donné prendre soin de la communauté qui s’appellera un jour l’Église. Avec confiance. Avec une confiance à toute épreuve. En tant que premier des douze Simon témoigne que Jésus est bien le Christ. Jésus confesse avec confiance qu’il voit Pierre en Simon. C’est un confession qui va prendre une raclée: elle s’avérera encore plus forte que le mensonge et la trahison, ainsi que de tous les petits défauts humains qui seront toujours ceux de Simon et des nombreux autres “Pierre” qui lui ont succédé.
L’Évangile nous encourage à faire une confession authentique afin de trouver les fondations de la construction ou de la reconstruction de notre communauté ecclésiale. Sommes-nous Pierre ? Après tout, la première préoccupation de l’Église n’est pas l’Église elle-même. mais le témoignage de confesser que Jésus est pour nous aussi le Christ, le Fils du Dieu vivant. Ce message évangélique rend la liste des priorités ecclésiastiques très claire. Quelle est la place de Jésus dans l’agenda de nos rencontres pastorales ? Et Jésus considèrerait-il aussi comme bénis nos plans et projets pastoraux parce qu’ils témoignent de façon si authentique de qui il est pour nous ? En ayant la parole de Dieu comme architecte, les lectures du dimanche font distinguer là où l’Église trouve le mieux ses fondements : dans une confiance solide comme le roc et une confession authentique.
C’est sur cette base solide que l’Église peut être construite et reconstruite aujourd’hui. Avec un peu de nostalgie, certains bâtisseurs d’églises rêvent de préférence les cathédrales les plus puissantes ou de plus belles basiliques. Après tout, Sebna n’est jamais très loin. Mais Pierre aussi reste proche de nous : combien sont encourageantes les paroles inspirantes du pape François, qui rappelle que notre époque et notre monde ont davantage besoin d’un hôpital de campagne à proximité de toutes les souffrances humaines. Voilà un témoignage authentique de ce qu’est le Christ pour nous.