Croire – sans avoir vu !
Avoir cette lucidité, ce courage. Avoir cette intelligence du coeur.
Car vous le savez bien, frères et soeurs, il y a une réalité au-delà du visible. Quelque chose qu’on ne peut voir avec les yeux, et qui est pourtant bien réel : ainsi en chacun de nous, comme en chaque être humain.
Alors, quand nous allons au-delà du miroir, cela s’appelle « croire ». Et le Christ, aujourd’hui, nous dit « heureux êtes-vous ! Félicitations ! », parce que vous avez cette profondeur du regard sur la vie, sur les autres, sur Dieu.
Félicitations, parce que cela n’a rien d’évident. Ainsi cette violence tragique au Moyen-Orient, en Terre Sainte, qui nous touche chacun si profondément.
Eh bien ! : heureux ceux qui, voyant la violence, croient à la paix. Car il y a les gestes de violence que nous voyons, mais il y a aussi ce désir de paix au fond des coeurs auquel nous avons à croire. Comme le remarquait récemment un journaliste : nous risquons de ne voir que les grandes lueurs des embrasements, des attentats, des combats et de ne pas voir toutes ces petites flammes d’entraide entre Palestiniens et Israéliens, d’amitié maintenue, de fraternité.
Plus près de nous, heureux ceux qui voient la différence et qui croient à l’unité, comme ici dans cette Communauté du Chemin Neuf, si attachée à l’oecuménisme. Ou encore dans les relations à l’intérieur de nos familles : nous savons que, dans le couple ou entre parents et enfants, ces relations sont loin d’être toujours faciles. Là aussi, vous en avez l’expérience, il s’agit de savoir ne pas s’arrêter à ce qu’on voit, mais d’avoir la lucidité de « croire ». Au-delà des tensions de fait, heureux ceux qui croient que la relation réelle va bien plus profond. On peut avoir le sentiment d’avoir oeuvré en vain, et voilà que bien des mois ou des années après, une petite pousse apparaît, qui prouve qu’on n’avait pas semé sans résultat. On voudrait voir tout, tout de suite, mais le coeur a son rythme propre qui est le rythme de la vie.
Heureux ceux qui l’hiver, croient au printemps, ceux qui la nuit, croient à l’aurore : cela s’appelle l’espérance.
Heureux ceux qui croient sans avoir vu : il en va ainsi encore, et peut-être d’abord, dans notre rencontre avec Dieu lui-même.
Dieu, personne ne l’a jamais vu. Et si Dieu est vraiment Dieu, comment pourrions-nous le saisir, le comprendre ? Mais félicitations alors justement à ceux qui ne se laissent pas décourager pour autant, à ceux qui cherchent et qui prient. Nous avons, c’est vrai, toujours du mal à entrer en dialogue avec Dieu. Et pourtant, si nous réalisions que l’être humain a cette liberté merveilleuse de pouvoir dire « tu » à Dieu ! Nous y sommes appelés et invités par Dieu lui-même !
Alors, frères et soeurs, si un jour, vous vous entendez appeler par votre nom à l’intime de vous-même, n’ayez pas peur répondez, vous aussi : « tu m’as appelé, me voici ». Heureux ceux qui, sans voir, partent à la recherche de Dieu !
Enfin et surtout, heureux ceux qui croient, sans avoir vu, à l’Amour et à ses fruits. Tel a été le Christ lui-même. Tel est son chemin – celui de la Pâque.
Aimer par dessus-tout, envers et contre tout. Aimer jusqu’à donner sa vie pour ceux qu’on aime, et y trouver sa propre vie. Aimer, et croire, avec le Christ et à sa suite, que c’est le chemin pour vivre soi-même en vérité, pour épanouir les plus profondes potentialités de soi-même. Et Dieu sait combien il est parfois difficile de croire qu’aimer est le chemin de la vie, de le vivre dans notre société telle qu’elle est, dans nos relations professionnelles, dans nos familles, dans nos communautés. Combien il est difficile aussi d’arriver à changer notre regard sur l’autre, pour précisément ne plus s’arrêter à ce que nous voyons, à ce qui nous blesse ou nous agresse, mais pour croire en ce qui, en lui, en moi, ne se voit pas.
Eh bien ! ceux qui aiment ainsi en vérité, ils ne le voient pas, ils ne le savent sans doute pas, mais ils sont déjà passés de la mort à la vie. Ils sont vivants ! Qu’ils soient des croyants répertoriés ou non, ils sont pour Jésus « ses soeurs, ses frères et sa mère », comme il le dit lui-même.
Alors heureux, oui, ceux qui aiment sans avoir vu, ceux qui croient à l’Amour. Comme nous le dit saint Jean : « Ils sont nés de Dieu. Ils connaissent Dieu. »
Amen ! Alleluia !
Références bibliques :
Référence des chants :