"Dans l’Evangile que nous venons d’entendre, des hommes s’adressent à Jésus ayant concocté une question comme l’on fomente un mauvais coup. Saint Marc nous prévient: ils cherchent à mettre Jésus à l’épreuve. Ces hommes demandent: " est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? " Pourtant ils connaissent parfaitement la réponse que donne la loi de Moïse. Ce qu’ils veulent, c’est que Jésus prenne parti, et qu’ils puissent le coincer dans un des tiroirs de leur " prêt à juger ", vous savez, comme on trouve le " prêt à porter " ! En effet, si Jésus prend parti contre la loi, il n’est pas respectueux de la tradition. S’il dit respecter la loi de Moïse qui autorise un homme à répudier sa femme, qu’il cesse donc alors par ailleurs ses incessantes remises en cause !
Extrême habileté de la réponse du Christ ! Il demande à ses interlocuteurs de citer eux-mêmes la loi. Ils s’exécutent et montrent qu’ils connaissent la réponse juridique à leur question. Alors Jésus passe à l’attaque : " c’est en raison de l’endurcissement de votre coeur que Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. "
Et là, nous franchissons un pas. Ici, Jésus invite les pharisiens d’alors et chacun d’entre nous à élever très clairement le débat. Il cherche à rejoindre nos coeurs parfois endurcis. Il cherche à nous faire comprendre que le problème n’est pas d’abord de savoir si l’on est dans la loi ou bien hors la loi. Ce qui compte avant tout c’est de savoir si l’on désire, si l’on construit, si l’on sert l’unité ou bien au contraire si l’on déchire cette unité !
Nous sommes peut-être un peu comme les disciples, et nous ne comprenons peut-être pas bien où Jésus veut en venir. De retour à la maison, nous rapporte l’Evangile les disciples s’interrogeaient de nouveau. Très bien, voilà qui permet d’aller plus loin! Ce que le Christ vient dénoncer plus profondément, c’est notre duplicité. Un homme renvoie sa femme… Il établit un acte de répudiation ? Il est quitte avec la loi ! Mais si c’est avec le projet d’en épouser une autre, il est adultère, car son intention est mauvaise, son regard n’est pas droit. Il utilise pour ses calculs machiavéliques une loi dont on peut voir alors les effets pervers.
Pour chacune et chacun d’entre nous, Jésus élève le débat, lorsqu’il nous fait saisir ceci : être dans la loi ou hors la loi ne doit pas être notre obsession. Ce qui doit devenir notre désir, notre quête, notre combat, c’est de construire l’unité. Or, nous ne sommes pas des naïfs, nous connaissons tant de familles éclatées ! L’unité ne tombe pas du ciel toute faite ! Les jalousies et les égoïsmes qui nous enferment la déchirent. Les pardons et les efforts pour rejoindre l’autre la construisent. Je crois que cet Évangile est une mise en garde contre le juridisme qui pollue parfois nos relations en famille. Vous savez, on dit: " tu n’as pas tenu ce que tu avais dit, alors moi non plus je ne me sens pas tenu par mes engagements. " Ah, comme nous savons bien nous draper du manteau du bon droit pour éviter de pardonner ou de renouer la confiance !
A propos d’unité, Jésus cite le très beau texte du livre de la Genèse: " l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. " Ne faire plus qu’un ! Comprendrons-nous qu’un mariage, c’est beaucoup plus qu’une alliance, au sens juridique du terme, c’est beaucoup plus qu’un contrat! Lorsque naît un foyer, c’est beaucoup plus que la juxtaposition de plusieurs personnes. Un foyer est un être vivant nouveau qui va mener sa vie propre au rythme des tensions et des conflits, des solidarités et des pardons !
Vous savez, un nouveau foyer, lorsque par exemple je célèbre un mariage, cela me fait penser souvent à la Trinité. Rassurez-vous, je ne vais pas vous faire un cours sur la trinité ! Mais ce que je crois, même si Je l’exprime mal, c’est que lorsque l’on parle de Trinité, on dit: " Dieu est à la fois différence, à la fois communion " Le Père n’est pas le Fils, qui n’est pas l’Esprit. Chacun est différent. Mais leur unité est parfaite. Leur désir de communion permet qu’ils ne fassent qu’un. Eh bien ! Un foyer me fait penser à la Trinité, parce que même lorsque les êtres qui le composent trébuchent, se heurtent les uns aux autres, ils sont appelés à la communion. La fidélité des époux entre eux, la fidélité des enfants entre eux, la fidélité entre les enfants et les parents n’a rien de garanti au départ, c’est quelque chose que nous avons la responsabilité de forger peu à peu, qui peut se désagréger ou bien se consolider. Chacune de nos familles est le terrain d’entraînement où nous apprenons les uns des autres la relation d’amour qui est en Dieu, Père, Fils et Esprit.
La conclusion de l’Évangile vous est peut-être apparue comme un cheveu sur la soupe. Rappelez-vous : On veut écarter des enfants. Jésus dit: " laissez les venir à moi : celui qui n’accueille pas le Royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas " A la manière d’un enfant, c’est à dire en acceptant d’être dépendant. Et je ne parle pas, bien sûr de la dépendance de l’esclave envers son maître. Je parle de la dépendance de l’être qui aime envers l’être qu’il aime. Et cette dépendance est une réciproque liberté. Et cette dépendance est une réciproque croissance ! Pensons-y, lorsque nous verrons dans un instant une famille – les enfants, les époux, et cette gravité et cette joie de la dépendance mutuelle – apporter le pain et le vin à cet autel et y recevoir la présence du Christ !
Références bibliques :
Référence des chants :