« Partage ton pain avec celui qui a faim,
« accueille chez toi les pauvres sans abri,
« couvre celui que tu verras sans vêtement,
« ne te dérobe pas à ton semblable.
« Alors ta lumière jaillira comme l’aurore,
« devant toi marchera ta justice,
« et la gloire du Seigneur fermera la marche. »
Ce n’est pas sans émotion que je relis ces versets d’Isaïe. Ni sans étonnement. Ce n’est pas sans émotion parce qu’il semble qu’ils ont été écrits pour ici et aujourd’hui, pour ce dimanche et pour cette assemblée, à Saint-Barthélemy, avec vous, qui vivez dans cette maison, vous, frères de Saint-Jean-de-Dieu, vous, amis, visiteurs, famille, soignants. Et ce n’est pas sans étonnement parce que ces versets sont des versets de triomphe et de gloire.
Spontanément nous n’associons pas le service et la gloire, et lorsque nous changeons un malade ou poussons un chariot, nous ne voyons pas l’aurore du jour de Dieu précéder nos pas. Spontanément, nous associons le service avec l’humilité. Nous savons assez ce qu’il de discret, de répétitif et, souvent, d’ingrat. Vous le savez, frères et sœurs qui participez à cette messe par la télévision et qui avez souvent la charge d’un conjoint malade. — Nous associons le service avec l’humilité, avec le devoir, avec le sacrifice. Mais pas avec la gloire.
Or c’est bien de gloire que parle Isaïe. Et de la gloire véritable, qui n’est pas l’orgueil, mais la révélation du visage de Dieu et de notre propre vrai visage de fils et filles de Dieu.
La gloire de Jésus, ce ne sont pas les trompettes et les tambours. Jésus n’est pas orgueilleux. Jésus n’avait ni cortège ni habit doré. La gloire de Jésus, dit l’Évangile, c’est d’avoir servi et aimé jusqu’au bout. Et c’est dans le service qu’est apparu son visage véritable, c’est dans le lavement des pieds qu’il s’est révélé en vérité.
Et nous, nous nous révélons à nous-mêmes lorsque nous nous mettons au service d’autrui. Notre habit de gloire, c’est notre blouse blanche et nos gants en caoutchouc. C’est là que nous prenons notre visage véritable. Lorsque nous marchons à petits pas pour accompagner un ami à la promenade, lorsque nous nous asseyons à côté d’un lit pour écouter et consoler, lorsque nous préparons un repas pour notre famille.
Cette expérience, nous pouvons tous la faire. Le service d’autrui commence par un simple sourire gratuit, par quelques minutes d’écoute désintéressée. Et tous nous savons ce qu’elle procure. Bien plus que la conscience d’un devoir accompli, elle donne un sentiment un peu mystérieux — un sentiment d’accomplissement, celui d’être à notre place, celui d’être bien, bien dans nous-mêmes, bien dans notre vie, là où nous devons être.
Beaucoup de nos contemporains cherchent le sens de leur vie. Ils se demandent qui ils sont, et pourquoi ils vivent. Vous, frères et sœurs, vous êtes la réponse. La réponse est : le sens de la vie est de se donner soi-même, c’est-à-dire d’aimer. Les hommes et les femmes sont faits pour accueillir, pour partager, pour protéger. Lorsqu’ils le font, leur cœur s’allège. Si humble que soit le service, si discret que soit le geste fraternel, il nous rapproche toujours plus de notre vérité, de la vérité de notre cœur, qui est la vérité même de Dieu.
Toi qui est au service de ton frère, de ton époux, de ton épouse, de ton ami, de l’inconnu, de l’étranger, « ta lumière se lèvera dans les ténèbres, et ton obscurité sera lumière de midi ».
Références bibliques : Is. 58, 7-10 ; Ps. 111; Co 2, 1-5 ; Mt 5, 13-16