J’aime la figure de Jean le Baptiste, le dernier des prophètes, mais le plus grand des enfants des hommes selon Jésus, celui dont le nom est, après le sien, le plus souvent cité dans les évangiles.
Sa prédication avait un formidable impact sur le peuple de Palestine, puisque Luc nous dit que tout le peuple se faisait baptiser. C’est dire le rayonnement qui était le sien. Mais, à la différence des stars médiatiques de notre époque, que ce soit dans le domaine de l’art, de la politique et parfois même de la religion, qui aiment que les projecteurs soient braqués sur eux, lui, avec cette profonde humilité qui le caractérisait, dirigeait la lumière vers Celui qu’il attendait. Son rôle, comme l’annonçait Isaïe, consistait à « tracer droit » la route, à « combler les ravins », à « abaisser » montagnes et collines. Et si Jean Baptiste continue de nous interpeller aujourd’hui, c’est que son rôle préfigure le nôtre : il s’agit de combler les ravins et d’aplanir les obstacles qui pourraient rendre impossible à nos contemporains la rencontre avec Jésus.
Et voici qu’en ce jour, Jésus se glisse incognito dans la foule et se fait baptiser par Jean. Le rite du baptême, c’est une plongée sous l’eau et une émergence dans l’air.
Je me souviens, lorsque je travaillais comme éducateur de rue dans une cité de la banlieue parisienne, avoir un jour emmené un groupe de jeunes dans le plus grand centre aquatique de la capitale, connu pour ses célèbres toboggans. Pami ces jeunes, Alain, un garçon un peu timide, qui, une fois arrivé en haut de l’escalier à une hauteur qui lui paraissait impressionnante, tremblait comme une feuille à l’idée de devoir s’engouffrer dans ce grand tube noir, à la pente vertigineuse, nommé « aquaturbo ». Je le rassurai comme je pouvais, lui montrant l’impossibilité de faire demi-tour et l’assurant que je le suivrai de près. Plonger dans le toboggan constituait pour lui un véritable acte de confiance. Lorsque, quelques minutes plus tard, après avoir dégringolé à mon tour, je le retrouvai dans le bassin, son visage rayonnait de la joie d’avoir réussi à dépasser sa peur pour réaliser cet exploit.
Si je choisis de raconter cette anecdote, c’est pour rappeler, alors qu’aujourd’hui on ne met habituellement que quelques gouttes d’eau sur la tête des nouveaux baptisés, le véritable sens de ce rite : la plongée dans la mort et la naissance à la vie.
Autrement dit, vivre le baptême, c’est expérimenter la dynamique pascale du « mourir à ses peurs » pour « naitre à la joie ».
Après son baptême, Jésus se met à prier. Et se révèle alors à lui sa mission de Fils de Dieu. Voici qu’en ce jour il sort de l’anonymat de Nazareth et démarre sa vie publique. L’Esprit saint descend sur lui comme une colombe. Et rappelons que la colombe est l’oiseau le plus silencieux de la création. Quand elle se pose, on ne sait d’où elle vient, tant son vol ne fait aucun bruit. Et c’est en cela qu’elle est signe de l’Esprit, dont on ne sait ni d’où il vient, ni où il va.
« Tu es mon Fils bien aimé. » Voici que par l’Esprit, Dieu se révèle comme Père … et il partage sa joie d’avoir un tel Fils. Jésus va alors se mettre à parcourir les routes de Palestine, pour communiquer cette Bonne Nouvelle : Vous avez tous un unique Père dans le ciel, et c’est en vivant en frères avec tous les autres hommes que vous partagerez sa joie.
En fêtant aujourd’hui le baptême du Seigneur, nous sommes invités à nous rappeler notre propre baptême. Si l’eau a été choisie comme signe de ce sacrement, c’est qu’elle est à la fois signe de mort - cause de noyade- et signe de vie -indispensable aux plantes, aux animaux, aux hommes -. Elle est donc signe du passage de la mort à la vie.
Au jour de notre baptême, nous expérimentons la dynamique pascale du « mourir pour vivre » : mourir à l’égoisme pour naître à l’amour, mourir à la peur pour naître à la foi, mourir au péché pour naitre à la vie ! Et se révèle alors, en pleine lumière, notre triple identité de fils du Père, de frère du Christ et de temple de l’Esprit.
Nous voici alors invités, en ce dimanche, à proclamer ensemble notre foi, en récitant le « Credo ».