Veillez Mt 25, 13 dit Jésus. « Sois prêt ! » disent les scouts à la suite de Baden Powell. « Sois prêt ! » Et manifestement pour être prêt, la bonne volonté ne suffit pas : les insouciantes de l’Évangile qui n’ont pas prévu assez d’huile pour marcher dans la nuit ne tiennent pas dans la durée. Être invité au Royaume – ce que nous sommes tous – ne suffit pas. Répondre à cette invitation au Royaume, même généreusement et avec élan, ce n’est pas encore assez. Il faut être prêt. Il faut, il faut, il faut… ça sonne évidement toujours comme des injonctions moralisatrices. Même si bien souvent c’est vrai, on fait ce qu’on doit dans la vie, juste pour tenir notre place pour le bien de tous : on se réveille la nuit sans y penser quand le bébé pleure, on supporte plus ou moins volontiers un fardeau au boulot parce qu’on sait que ça en allège d’autres, on pleure secrètement l’absence d’un enfant mais on fait malgré tout bonne figure pour que ce soit vivable pour tous. Souvent dans la vie – c’est comme ça, même en s’efforçant de faire ce qu’on veut, on fait ce qu’on doit.
Mais quand même, pour nous les amoureux du Christ, ou nous qui cherchons à l’être, comment être prêts, non par devoir, mais par amour de Celui qu’on aime ? Il est tellement difficile de tenir dans la durée quand Celui qu’on aime tarde au-delà du prévisible. Pour beaucoup d’entre nous, la foi n’a rien d’une évidence et elle reste un aiguillon. « Sois prêt ! » Parce que oui : il semble qu’aimer Dieu, c’est en réalité l’attendre. « Sois prêt ! » Oui, mais comment ? Parce que la prière ne suffit pas toujours. Comment alors durer dans la foi ? Surtout, comme disait Pierre Dac, « quand on voit ce qu'on voit, qu'on entend ce qu'on entend et qu'on sait ce que qu'on sait ». Comment durer dans la foi ? Que faut-il mettre dans cette lampe pour qu’elle nous éclaire dans la nuit, particulièrement quand les doutes deviennent envahissants ou quand la douleur s’approche de 10 sur l’échelle des médecins ? Il y a au moins 2 huiles différentes pour nous ce matin.
Tout d’abord, nous sommes le WE du 11 novembre et nous accueillons ce matin les porte-drapeaux du Souvenir Français. Avec eux, nous sommes invités à nous souvenir.
Nous sommes invités à nous souvenir que certains ont donné leur vie pour nous puissions vivre. Nous sommes invités à être les héritiers de leur geste… et à faire de même, à faire de notre vie un cadeau pour que d’autres puissent vivre. Ce peut d’ailleurs être une manière de se décentrer de nos problèmes insolubles en prenant un peu de recul.
Se souvenir, c’est aussi relire. Comme un pisteur qui cherche une trace, relire peut nous permettre de retrouver un moment de paix qu’on a vécu, un moment de liberté, un moment de joie. Et si ça a existé, ça existe.
« Sois prêt ! » : se souvenir de faire de notre vie un cadeau et se souvenir des plus beaux moments de notre vie. Se souvenir est sans doute une bonne huile pour notre lampe.
Ensuite, dans sa lettre aux Thessaloniciens, Saint Paul participe à donner une autre piste pour durer : réconfortez-vous les-uns-les-autres 1 Th 4, 18. Le coude à coude ! Le coude à coude entre nous autres les chrétiens. Et avec nos sœurs et frères juifs, musulmans, hindouistes, bouddhistes… comme c’est si paisiblement vécu ici à Bussy où sont construits côte à côte, sur l’Esplanade des religions, temples, mosquée et synagogue... entre croyants « veilleurs de la paix ». Le coude à coude entre nous les vivants 1Th 4, 15 reliés par quelque chose de plus grand que nous : la Vie. Je travaille dans une petite coopérative agricole dans le Loiret, prêtre au travail comme on dit. Nous sommes une quinzaine de salariés et ces derniers temps, on a été pas mal chahuté par différentes tuiles qui nous sont tombés dessus. Il y a même parfois eu une certaine violence. A chaque fois, j’ai été impressionné par la force de l’équipe, là où individuellement, chacun aurait baissé les bras. Le coude à coude : nous ne devrions jamais hésiter à parler les uns aux autres de notre foi ou de nos confiances. « Sois prêt ! » : s’encourager les-uns-les-autres est sans doute une autre bonne huile pour notre lampe.
A nous tous, la lampe sera bien remplie. Et nous trouverons encore d’autres huiles. A nous tous, même dans la nuit la plus noire, il y aura une lueur. A nous tous, nous serons toujours prêts pour accueillir le plus paisiblement possible l’imprévisible qui arrive tôt ou tard. Et vivre pleinement tout ce qui adviendra, avec le Christ, c’est le chemin qui s’ouvre pour Andréa qui va être baptisée dans un instant.
A vous tous ici dans cette église, à vous tous devant votre télé, à tous ceux que vous croisez au quotidien dans la rue, au boulot ou en famille, aux Palestiniens et aux Israéliens, aux Ukrainiens, aux Russes et à tous les peuples en guerre, à tous ceux qui pensent avoir raté une rencontre - voire toute leur vie, à tous ceux qui ne se sentent pas prêts, à tous ceux qui peuvent malgré tout faire confiance à quelqu’un, à tous ceux qui ne croient plus que pour eux la joie est possible, à nous tous, comme disait le lumineux François d’Assise pour nous encourager à vivre, à nous tous, « Paix et bien ».