Le prophète Élie fuit son pays parce que le roi et la reine lui veulent du mal ; il ne cesse de les mettre en garde contre leurs mauvaises actions, leurs injustices, leur manière de défier Dieu. Il s’est enfui parce que son ministère sera encore utile au peuple, ce n’est pas le moment qu’il quitte la scène. Alors quand la vocation de serviteur de Dieu, de prophète est lourde à porter, Dieu s’approche et lui dit : n’aie pas peur ! Certes, il y a des ouragans, des tremblements de terre et le feu dévastateur – ce n’est pas là qu’on trouve le Seigneur ! Mais il n’est pas loin, Il est là juste après : « après le feu, le murmure d’une brise légère. » Magnifique découverte : on ne trouve pas Dieu dans l’agitation, dans le désordre, dans la peur des événements tragiques. Pourtant, au milieu de tout ce qui nous agite et nous inquiète, Il n’est pas loin, juste derrière ces agitations, dans la paix, dans le murmure d’une brise légère. Nous avons tous bien fait de venir à Lourdes, de nous mettre à l’écart, de faire un pas de côté pour trouver ce calme qui suit la tempête de nos vies inquiètes. Comme Bernadette : allant chercher du bois avec ses compagnes en ce lieu même, elle entend comme un coup de vent, c’est plus fort que le murmure d’une brise légère, mais c’est un signal que ses compagnes n’entendent même pas, il avertit Bernadette d’une présence, cette belle dame d’abord silencieuse.
Dans l’évangile d’aujourd’hui, Jésus vient vers la fin de la nuit. Il rejoint ses amis, au cœur de leur activité de pêcheurs sur la mer de Galilée ; ce métier est difficile voire dangereux ; ce soir-là, après une belle journée à écouter Jésus et ses promesses de vie, ils sont affrontés aux vents contraires, et la pêche est encore plus difficile. Jésus vient après ce moment pénible, mais ils ont encore peur. Peur d’un fantôme – est-ce que cela existe vraiment ? Peur du vent encore, et Pierre qui s’est jeté à la rencontre de Jésus cède à cette peur : « homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » Il ne s’agit pas seulement de nos peurs individuelles, mais aussi de notre communauté croyante, de notre Église qui se sent paralysée dans une société où sa voix ne paraît plus guère entendue. Réentendons cette phrase de Jésus, plus douce qu’il n’y paraît, elle n’est pas une condamnation, mais plutôt un appel, une invitation : homme ou femme de peu de foi, Église rassemblée ou dispersée, pourquoi as-tu douté ? Voyons dans cette interpellation une attention merveilleuse, une affection confondante alors que nous sommes dans l’inquiétude, dans l’angoisse peut-être, dans la paralysie.
Nous avons des choses à dire dans notre société, non pas pour la juger et la condamner, mais pour lui indiquer des chemins d’espérance où nous voulons nous-mêmes nous engager. Dans la société désunie, divisée, morcelée, apprenons ensemble à construire cette amitié sociale à laquelle nous invite si souvent le Pape François, notamment dans son encyclique Fratelli tutti, tous frères ! Amitié et bienveillance, partout.
Voyez comment l’apôtre Paul nous parle, avec un cœur tout rempli d’affection pour ses frères juifs. Il sait tout ce qu’il doit au fait d’appartenir, par sa naissance, à ce peuple qui le premier a entendu la voix de Dieu. Et Jésus lui-même est juif ! Pourtant notre Histoire chrétienne a malheureusement dérivé pendant des siècles et a nourri des attitudes antisémites. Le Concile Vatican II a ouvert une voie nouvelle, refusant désormais toute trace d’antijudaïsme dans nos pensées, nos paroles et invitant à « Déconstruire l’antijudaïsme chrétien » et à développer la connaissance et l’amitié entre chrétiens et juifs. Voilà justement un sujet sur lequel nous avons quelque chose à dire pour faire avancer notre société vers plus de paix, de justice et d’amitié sociale.
Cent soixante-cinq ans après les apparitions de la Vierge Marie à Bernadette Soubirous, et avec ces cent cinquante pèlerinages animés ici par la famille de l’Assomption, la voix de Dieu n’a pas cessé de se faire entendre, dans la brise légère de la rencontre et des paroles de Marie. C’est même incroyable comme Lourdes a transformé et transforme encore l’Église : la place des pauvres et l’accueil qui leur est réservé ; l’attention et les soins portés aux malades ; et enfin la présence de croyants d’autres religions qui sont attachés à ce message et à la bonté de la Vierge Marie. Avec Bernadette qui a accueilli avec tant d’attention la visite de la Vierge Marie, merci, Seigneur, de nous inviter aujourd’hui encore à n’avoir pas peur de vouloir avec toi construire ensemble et sur le roc de ton amour qui nous sauve.
Elie et la veuve de Sarepta