Combien de fois dans nos vies l’appel d’un proche ne nous a-t-il pas apporté joie, réconfort ou même consolation dans l’angoisse ou l’épreuve ? C’est la voix bienveillante d’une maman ou d’un papa qui invite son enfant à oser ses premiers pas. Ou encore l’appel tendre que se partagent les amoureux. C’est aussi le nom que l’on prononce pour manifester sa compassion à une personne souffrante ou malade.
La vie chrétienne est elle aussi rythmée par des appels : baptême, confirmation, échange des consentements lors du mariage, ordination du diacre ou du prêtre… à chaque fois, le chrétien est appelé par son nom. Parce que la vie chrétienne est fondamentalement réponse à un appel : celui de Jésus pour ses disciples.
C’est dire que devenir chrétien ne demande pas d’abord d’accumuler des mérites comme des bons points sur un bulletin. Nous sommes d’abord chrétiens parce que le Seigneur nous y a appelé. Ce n’est pas une récompense mais un don, un cadeau qu’il nous fait dans son amour, par pure grâce.
Samuel était encore bien trop jeune pour mériter d’être appelé par le Seigneur. Mais il est toutefois appelé, par trois fois même. Et combien d’entre nous n’ont même aucun souvenir du premier appel reçu au baptême alors qu’ils étaient encore bébés. C’est que l’amour de Dieu ne peut supporter d’attendre pour se donner et se répandre en nous.
Bien sûr, l’appel est destiné à grandir, à s’approfondir, à être librement accueilli. A cet égard, il est significatif que dans le récit de l’appel des premiers disciples de l’évangile de Jean, Jésus commence par un dialogue avec eux. « Que cherchez-vous ? » leur dit-il. N’est-ce pas une manière de solliciter leur liberté avant de prendre la décision de le suivre ? N’est-ce pas aussi une façon pour Jésus de rejoindre leur quête profonde d’une vie en plénitude et que Jésus vient combler ?
Mais nous pouvons aller plus loin dans le sens de ce dialogue de Jésus et des premiers disciples. Il nous ouvre, en effet, à l’objectif ultime de l’appel : partager la demeure de Jésus. A la fin de l’évangile de Jean, nous découvrons toutefois que cette demeure n’est pas seulement terrestre. A Marie de Magdala, à qui Jésus ressuscité vient de se faire reconnaître par l’appel de son nom « Marie » – ah tiens, il est de nouveau question d’appel ! –, il est révélé qu’il faut que Jésus monte vers son Père. Là est la vraie demeure de Jésus : dans la communion avec Dieu son Père. Là aussi est notre demeure et le but ultime de notre appel : dans la communion avec Dieu notre Père et sa plénitude d’amour.
Aujourd’hui toutefois, il importe d’abord de se mettre en route à l’appel de Jésus. « Venez, et vous verrez. » Découvrir où Jésus demeure demande de se mettre en marche à sa suite. C’est le chemin de la foi, de la confiance en Jésus qui nous appelle, chacun comme il est, pour nous conduire vers ce qu’il a de plus précieux : demeurer avec son Père et notre Père, son Dieu et notre Dieu.
Sur ce chemin, l’appel est une grande source de confiance et de liberté. Parce que je n’ai pas mérité cet appel mais l’ai reçu comme un cadeau que Jésus me fait, il ne me faut plus craindre le regard des autres ou chercher à tout prix à être aimé. Son appel me suffit. Il est même là quand je doute ou je chute, pour me relever, me remettre debout, me pardonner. Il me donne aussi la force d’annoncer cet appel à mes frères et sœurs, d’en être le relais pour les autres et manifester l’amour de Dieu dont ils sont eux-mêmes les destinataires. Comme Eli pour le jeune Samuel ou André pour son frère Simon.
Voici aussi ce qui me console lorsque l’appel du Seigneur semble absent, lorsque je n’entends rien, comme si Dieu était muet. D’autres – visiteur de malades, catéchistes, voisins… – sont là pour faire écho à l’appel entendu. Car, après tout, Jésus, dans notre évangile, appelle ses disciples non pas isolément mais avec d’autres. Comme pour nous dire que le chemin qu’il nous appelle à prendre à sa suite, vers sa demeure auprès du Père, se parcourt en frères et sœurs !