Homélie du 14ème dimanche ordinaire de l'année A | Homélie du 6 juillet 2002

Tout d’abord, Jésus nous provoque, fidèle à ses habitudes ! Lorsqu’Il loue son Père, en s’exclamant : " Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout petits ", évitons les contresens grossiers ! Il ne peut y avoir là d’anti-intellectualisme primaire. Nous ne pouvons pas nous contenter de penser : " je crois mais je ne cherche pas à comprendre, c’est trop compliqué ! " Nous ne pouvons ériger la foi du charbonnier en Credo sans faire injure à celui qui nous a donné l’intelligence ! Tout l’Evangile montre que le Christ demande à ceux qui le suivent un effort d’intelligence. Alors ?

Alors, ce qui m’intrigue, c’est que Jésus s’adresse d’abord à son Père – " Père je te loue. " et qu’il semble ensuite s’adresser à ceux qui l’écoutent en parlant de sa relation avec le Père : " Tout m’a été confié par mon Père. Personne ne connaît le Père sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. " Jésus n’en finit pas de rappeler que nul ne peut aller vers le Père sans passer par lui. Un jour un disciple lui dit : " montre-nous le Père, cela suffit ! " Et Jésus de répondre : " Je suis avec vous depuis si longtemps et tu ne m’as pas reconnu ! Celui qui m’a vu a vu le Père ! "

Comprendrons-nous qu’aller vers Dieu, c’est du concret ! Aller vers Dieu, c’est s’inspirer des gestes et des paroles du Christ pour inventer aujourd’hui nos gestes et nos paroles. Tout au long de l’Evangile, Jésus se heurte à ces sages et ces savants de l’époque, scribes ou pharisiens qui veulent l’entraîner dans des discussions d’école. Tout au long de l’Evangile aussi Jésus ne cesse de ressasser : " ce que vous faites au plus petit, c’est à moi que vous le faites " Aller vers Dieu ce n’est pas une prise de tête ! C’est risquer son amour ! Il y a quelques mois mourrait une très grande dame, Madame Geneviève Antonioz De Gaulle, présidente du mouvement " Aide à toute détresse " Dans un petit livre intitulé " Le secret de l’espérance " elle raconte comment elle a rencontré les exclus du quart monde, comment elle a appris à faire face à sa peur et quel a été son combat pour non pas parler au nom des pauvres, mais pour qu’ils puissent parler eux-mêmes. Elle écrit : " Si j’ai la tentation forte de me détourner de ce que vivent les pauvres, c’est leur espérance qui me remet sur le chemin. Je ne me bats pas seulement pour eux, mais pour tous les hommes. La révolution commence par moi-même. " Elle décrit la honte de la misère, de la saleté, du manque d’éducation, et elle note : " Toute cette marée de douleurs humaines, insupportables, et qu’on voudrait tellement ne pas entendre, Jésus Christ nous invite, en mangeant son corps, en buvant son sang, à la partager avec lui "

J’en viens maintenant à un deuxième passage qui m’a provoqué dans l’Evangile de ce matin. Jésus dit : " Mon joug est facile à porter et mon fardeau léger " Prise au pied de la lettre, cette expression ne va pas ! Je pense aux moines de Tibirine en Algérie sauvagement assassinés à cause de leur fidélité au Dieu de Jésus Christ et au petit peuple algérien. Et puis voici nous tous qui subissons l’ironie de ce monde contre la foi. Nous tous qui sommes parfois confrontés à des drames familiaux tels qu’on en vient à penser : " Mais où est-il, Dieu ? " La vie est dure certains jours, Jésus ne le nie pas qui Jésus ne nie pas lorsqu’il dit : " Venez à moi, vous qui peinez sous le poids du fardeau et je vous procurerais le repos.

Et pourquoi Jésus dit-il qu’avec lui notre fardeau peut être allégé ? Attention, je dis bien allégé et non pas nié ! Jésus n’est pas un Dieu qui reste sur la touche du stade de nos luttes humaines. Jésus est Dieu qui porte comme nous les coups durs de l’existence. Il les affronte bel et bien et nous montre une voie. Il nous convie à la solidarité, il nous invite à porter nos fardeaux les uns des autres et ainsi il est notre unité. Jésus est enfin celui qui suggère de jeter en Dieu nos soucis : Non pas les nier mais les jeter en lui, perdre l’illusion que nous seuls pouvons sauver le monde. Ce n’est pas nous qui sauvons le monde, mais c’est Dieu qui par nous peut le faire.

En conclusion, je crois que la page d’Evangile que nous venons de lire est une invitation amicale à ne pas nous montrer prétentieux devant Dieu. Pesons-y, voulez-vous lorsque dans un instant autour de cette table de communion, que nous soyons dans cette église de Cordon ou bien loin d’ici et ensemble d’une certaine manière, nous dirons : " Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri "

Références bibliques :

Référence des chants :