Je tiens d’abord à remercier le Comité Français de Radio-Télévision qui a bien voulu consacrer son émission de ce jour, connue sous le nom «Le Jour du Seigneur» de la télévision France 2, à notre Église maronite, émission adressée en direct à partir du Liban au public francophone.
Notre liturgie nous fait lire en ce dimanche, qui est le huitième après la Pentecôte, ce passage de la deuxième Épître de saint Paul aux Corinthiens où il dit entre autres : « Tenus pour imposteurs et pourtant véridiques ; pour gens obscurs, nous pourtant si connus ; pour gens qui vont mourir, et nous voilà vivants ; pour gens qu’on châtie, mais sans les mettre à mort ; pour affligés, nous qui sommes toujours joyeux ; pour pauvres, nous qui faisons tant de riches ; pour gens qui n’ont rien, nous qui possédons tout ». Ce passage de saint Paul, notre Église peut le faire sien.
Notre Église tire son nom de saint Maron, moine ermite qui a vécu entre 350 et 410 au nord de la Syrie, non loin d’Alep. Elle devient hiérarchique avec son premier patriarche, saint Jean Maron, élu en 686. Depuis ce temps, se sont succédés à la tête de cette Église soixante-seize patriarches. Quittant les plaines fertiles de la Syrie, les maronites sont venus très tôt, par vagues successives, rejoindre les chrétiens autochtones du Liban et ce, pour se retrancher dans ses montagnes et vallées en vue de garder jalousement leur liberté, leur foi et leurs traditions.
Haut lieu de spiritualité maronite, la Vallée Sainte, ou la vallée de la Kadicha (mot syriaque qui signifie saint), au bord de laquelle a été érigé ce siège patriarcal, a abrité les patriarches maronites pendant quatre cent ans lorsque le pays était sous domination turque. Bon nombre d’auteurs français qui ont visité le Liban, tels Alphonse Lamartine, Gérard de Nerval, Pierre Benoît et le fameux Renan n’ont pas manqué d’exprimer leur émerveillement devant le charme qui se dégage de cette vallée, jadis peuplée d’anachorètes et d’ermites, et dont l’ambiance est toujours imprégnée de senteurs d’encens et de prières. Continuellement traqués, en butte à des vexations sans nombre, se déplaçant d’un endroit à un autre dans la montagne libanaise, ces patriarches se sont vus donner, plus tard, le surnom de maquisards.
Les maronites, premiers venus au Liban, ont été rejoints tout au long des siècles, par d’autres communautés attirées par ce climat de liberté qui permet à leurs fidèles d’adorer Dieu, chacun selon sa conscience et sa doctrine religieuse. C’est ainsi qu’on peut compter au Liban sept communautés catholiques qui ont chacune une communauté orthodoxe correspondante ; à l’exception des latins et des maronites.
Profondément attachés à leur foi, les maronites ont toujours considéré celle-ci comme leur planche de salut. Groupés autour de leur patriarche et leur clergé, accrochés à leur montagne, ils ont pu domestiquer, au prix d’un labeur inlassable, une terre aride dont ils ont arraché leur maigre pitance. Cependant, malgré toutes les épreuves qui les ont frappées tout au long de leur histoire si mouvementée, les maronites ont été à la base de la renaissance littéraire et scientifique de cette région du monde. Et ce, grâce au Collège maronite de Rome fondé en 1584. Partis en bas-âge pour faire des études philosophiques et théologiques dans les universités romaines, les candidats maronites au sacerdoce rentraient dans le pays pour y ouvrir des écoles et répandre le savoir. Toutefois, le haut clergé se recrutait, bien souvent, parmi les élèves du Collège maronite de Rome. Quelques-uns mêmes ont exercé l’enseignement au Collège de France de Paris.
Jadis se confinant au Liban et les pays du Moyen-Orient, ce n’est que vers la fin du XIXe siècle que les maronites ont commencé par émigrer vers les pays d’Occident, particulièrement vers l’Amérique latine et les États-Unis. Actuellement ils ont deux diocèses aux États-Unis et un diocèse dans chacun des pays suivants : Australie, Brésil, Argentine, Mexique et Canada.
La spiritualité de l’Église maronite se caractérise par l’abnégation, le renoncement, le don de soi et l’assiduité à la prière. Trois figures illustrent bien cette spiritualité : ce sont . Celle-ci vient être élevée aux honneurs des autels le 10 juin dernier. Et c’est de son propre mouvement qu’à genoux devant le Saint sacrement, elle a demandé au Seigneur de la faire participer à ses souffrances. Sa demande fut exaucée. Et c’est avec joie qu’elle a porté la croix pendant une trentaine d’années.
Les maronites, comme tous les Libanais et avec eux, ont vécu dans leur chair et leur âme le drame qui fut le leur, et ce pendant dix-sept ans. Si, après les accords de Taëf, le canon s’est tu et les barrages armés ont été éliminés, on ne peut pas dire pour autant que le Liban est déjà pacifié. Il ne cesse d’aspirer à ce qui constitue la dignité nationale de tout pays, à savoir : l’indépendance, la souveraineté et le pouvoir de libre décision. C’est à cause de l’absence de ces valeurs indispensables qu’il souffre d’une crise économique très sévère qui pousse les jeunes cerveaux à quitter le pays pour aller se faire une situation à l’étranger. A une cadence accélérée, l’hémorragie causée par l’émigration qui se fait sans espoir de retour, devient extrêmement préoccupante. C’est à se demander, non sans angoisse, si la région où le Christ est né, a vécu, prêché son Évangile et est mort et ressuscité, sera un jour sans aucun témoignage chrétien.
Malgré l’obscurité de l’horizon, le chrétien qui a la foi bien ancrée dans le coeur, ne peut jamais perdre l’espérance, qui est le fruit de la foi. Jean Paul II nous dit dans son exhortation apostolique « Une espérance nouvelle pour le Liban » : « Ainsi le Christ sera vraiment votre espérance et son esprit vous renouvellera. Alors solidaires, vous continuerez à témoigner de son amour » (n° 7). Nous rejoignons, ici de nouveau saint Paul qui dit : « Tenus pour gens qui vont mourir, et nous voilà vivants pour affligés, nous qui sommes joyeux ; pour gens qui n’ont rien, nous qui possédons tout ». Espérons que par l’intercession de Notre Dame du Liban, notre pays restera ce qu’il a toujours été, un havre de liberté, de convivialité islamo-chrétienne, de foi en Dieu, de charité et de paix.
Références bibliques :
Référence des chants :