Frères et sœurs, chers amis téléspectateurs du « Jour du Seigneur »,
Permettez-moi tout d’abord de partager avec vous ma joie de me retrouver devant cette grotte dédiée à Notre Dame de Lourdes. Le 15 août 1969, jour de sa bénédiction, j’avais alors 13 ans, je me tenais fièrement en ce même lieu, habillé en enfant de chœur. Tout le village avait participé à la construction de cette grotte, comme mon père maçon, pour honorer Notre Dame.
Et voici que 54 années plus tard, je suis invité à partager avec vous, ici même, la Parole de Dieu de ce dimanche. Vous devinez mon émotion !
Peut-être connaissez-vous l’histoire des deux grenouilles.
Deux grenouilles tombent dans un seau de crème fraîche. L’une et l’autre s’efforcent de s’agripper aux parois, pour se hisser jusqu’au haut du seau. Mais chaque fois, elles retombent. Finalement de guerre lasse, l’une d’elle avoue « j’abandonne », elle se noie.
L’autre estimant qu’elle n’a rien à perdre, continue à pédaler dans la crème, tant et si bien que la crème se change en beurre. La grenouille se cramponne à son radeau de sauvetage et réussit à sauter sur la terre ferme. Elle n’a pas capitulé.
Malgré la réaction déconcertante de Jésus au début de la rencontre, cette cananéenne, à l’image de la grenouille, ne renoncera pas. Pourtant l’histoire était mal emmanchée. Cette femme a tout faux : elle est étrangère, sa fille est possédée par un démon et en plus elle vocifère. C’en est trop ! Les disciples exaspérés n’en peuvent plus et demandent à Jésus de faire quelque chose. Mais Jésus, insensible et sans cœur, se tait. Comment peut-il garder le silence devant la détresse de cette mère ? C’est la douche froide ! « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis d’Israël » : c’est choquant et scandaleux !
Frères et sœurs, voilà un passage d’Evangile profondément humain et très instructif. Peut-être un certain nombre de maman parmi vous, ont elles fait l’expérience de ce terrifiant silence de Dieu, face à la souffrance et à la maladie de leur enfant.
Malgré les propos méprisants de Jésus, cette femme garde son sang-froid. Elle n’en démord pas et assène à Jésus une réplique peu respectueuse et impertinente : ok, je suis un petit chien, mais alors j’ai droit aux miettes qui tombent de la table du maître. Elle n’a plus rien à perdre. Sa fille est son unique bonheur et elle sait au fond de son cœur de maman que Jésus ne peut pas repousser sa supplication. Sa foi, sa modestie, sa persévérance sont, comme dirait le Pape François des « caresses » qui émeuvent Jésus, et le convainquent d’exaucer sa demande. C’est donc par la foi de cette maman, que la fille a été guérie. Jésus ouvre ainsi le chemin de la foi aux non-juifs.
Frères et sœurs, nous aussi nous pouvons, être étonnés, interrogés, bouleversés comme Jésus, par la foi qui anime les personnes d’autres religions. Il ne s’agit pas de taire notre identité, mais de respecter la différence des autres. Comme l’exprime encore le pape François : ne soyons pas des « chrétiens chauve-souris » qui ont peur d’admirer la lumière de la foi qui brille aussi chez les étrangers. Jésus nous invite à dépasser les frontières de notre religion, de notre esprit de clocher. Dieu n’exclut personne. Déjà Abraham Lincoln, un des présidents des Etats Unis, s’exprimait ainsi : « Ne dites jamais que Dieu est de votre côté. Priez plutôt pour être du côté de Dieu ».
Ne restons pas figés sur nos principes. Nous sommes tous frères et sœurs en humanité. Allons à la rencontre des autres, là où ils vivent, chantent, pleurent, espèrent et meurent. Soyons cette « Eglise en sortie », comme nous y exhorte François.
Frère, sœur, ami téléspectateur, lorsque tu fais l’expérience du silence de Dieu dans ta vie, quand tu as l’impression qu’il ne répond pas à ta demande, à l’image de la cananéenne ne cesse pas de crier : « Seigneur viens à mon aide ».
Souviens-toi du morceau de beurre qui s’est formé grâce à l’obstination de la grenouille et qui lui a permis de sauter hors du seau et de vivre.
Frère, sœur, ami, « N’abandonne jamais »