Pilate ne regarde pas la vérité en face ! Il ne voit pas qu’elle est devant lui, sans défense. Qu’elle se tient debout dans sa singularité, et qu’elle a un visage !
Ne faisons pas trop facilement le procès de Pilate. Car…
Pilate, c’est vous et moi, lorsque dans une situation inextricable comme la sienne, nous tentons de maintenir la foule au calme,
au détriment peut-être de la vérité.
Pilate, c’est vous et moi lorsque nous évitons des décisions difficiles,
qui nous obligeraient à faire un chemin de vérité sur nous-même.
Pilate, c’est vous et moi lorsque pour un choix en conscience,
nous fondons notre décision sur ce qui est simplement utile,
plutôt que sur ce qui est vrai,
ou sur nos émotions, plutôt qu’avec notre raison.
Pilate, c’est vous et moi lorsque nous ne croyons finalement plus vraiment en la vérité parce que nous savons trop bien qu’au nom de celle-ci, le pire a été commis ! Ne sommes-nous pas les fils et les fils d’un siècle qui a voulu enfermer la vérité et la mettre dans des formules ? Oui, la vérité a souffert sous Ponce Pilate… mais elle n’est pas morte ! Ne dit-on pas que la vérité peut pâlir, mais jamais périr ?
Osons croire aujourd’hui encore qu’il existe une Vérité qui donne sens à nos vies. Mais reconnaissons aussi que la manière de comprendre celle-ci sera toujours personnelle, car la vérité se trouve chez celui ou celle qui se met à son écoute… En effet, la vraie question de la vérité n’est pas posée par Pilate mais bien par le Christ au cœur du récit : « Dis-tu cela de toi-même, ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? ». Est-ce que la vérité est sur tes lèvres, et est-ce la vérité de ton cœur ? Est-ce qu’elle vient de toi ?
Il s’agit finalement d’être ajusté et en cohérence avec ce que nous disons ; de garder une vigilance intérieure pour entourer de bienveillance ce que nous affirmons. L’autorité n’habite-t-elle pas celles et ceux qui disent ce qu’ils font, et qui font ce qu’ils disent ?
Cette scène d’évangile nous rappelle donc l’urgence d’accompagner nos paroles de sagesse et d’esprit critique !
« Dis-tu cela de toi-même, ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? Est-ce bien toi qui dis cela ou es-tu dépendant de la rumeur ? N’écoutes-tu, ne partages-tu que ce qui va dans ton sens ?
Voilà bien le problème de notre monde
qui communique de plus en plus
et qui dialogue de moins en moins :
qui abandonne la vérité au profit de l’autorité
ou qui exerce l’autorité au détriment de la vérité…
Celui que nous fêtons aujourd’hui nous invite à réconcilier les deux : autorité et vérité, car son Royaume n’est pas de ce monde.
Et en cette fête du Christ Roi, nous sommes conviés à franchir un pas décisif. Si le Christ est Roi, c’est parce qu’il n’y a pas d’écart entre sa vérité et son autorité. « Tout homme qui appartient à la vérité, dit-il, entend ma voix ». On ne possède pas la vérité. Au contraire, c’est elle qui nous possède, sans parfois que nous nous en rendions compte.
En effet, nous ne détiendrons jamais la clé ultime de notre cœur,
la vérité de notre vie. Nous pouvons alors nous déposséder de la volonté de maîtriser celle-ci, comme Dieu s’est débarrassé de sa toute-puissance pour accueillir sa tendresse, pour que nous le fassions régner sur nos vies. Le pouvoir se donne. Il ne se prend pas.
A nous, de nous déposséder de notre envie de maîtrise,
pour nous laisser posséder par cette tendre vérité qui nous dépasse :
Si notre conscience nous condamne,
Il s’agit de nous laisser posséder
par une miséricorde plus grande que notre cœur,
Si notre route semble bloquée et notre destin écrit,
Il s’agit d’inscrire notre vie dans une destinée plus grande
Et si la douceur semble avoir déserté notre foyer
Il s’agit de nous en remettre à la tendresse de Dieu
et de croire que certaines impasses de notre passé
seront autant d’ouvertures vers une lumière future.
Si nous faisons vraiment ce travail de vérité, si nous inscrivons notre vérité personnelle dans le cœur de Dieu, nous découvrirons alors que la vérité n’est pas quelque chose que l’on possède, mais qui se dévoile, qui nous englobe et qu’il faut rechercher avec courage et patience. Celle-ci se décline au long de nos histoires, de notre passé, de notre présent, de notre avenir, car le Christ qui chemine à nos côté est « Celui qui est, qui était et qui vient ». Il est roi parce qu'il ne s'impose pas, parce qu'il ne nous gouverne pas et qu’il nous laisse libres de le suivre ou non. Jésus n’a jamais revendiqué pour lui-même le titre de roi. A nous de le faire régner sur nos vies.
Puissions agir en ce monde en vérité, et à le gouverner non pas pour régner, mais pour faire régner le royaume de Dieu.