Nous sommes peut-être nombreux à avoir déjà reçu par La poste ce genre de carton avec la photo d’un nouveau-né dessus : ce sont des faireparts de naissance. Une naissance, c’est aussi banal qu’extraordinaire bien sûr, et c’est toujours joyeux. Parce-que toute naissance porte en elle une promesse, un début, un premier pas fragile. On n’a peut-être pas reçu de faire-part en carton pour hier, mais on a bien célébré l’anniversaire d’une naissance, que ce soit à l’église ou devant un repas bien sympathique en famille ou entre amis. Cette fête-là, c’est la fête de Dieu qui devient solidaire, comme jamais avant, de notre monde et de chacun d’entre nous. Sa naissance, c’est un début pour Jésus et pour nous.
Et les enfants, c’est bien connu, ils grandissent vite : on a fêté sa naissance hier et il a aujourd’hui 12 ans. En ce temps-là en Palestine, 12 ans, c’est l’âge de quitter l’enfance pour être intégrer à la vie sociale. 12 ans, c’est donc pour Jésus un nouveau début, un nouveau commencement. Encore un.
Et que dire de Marie ? Elle a vu un jour un ange qui lui a dit qu’elle aurait un enfant. C’était un début. Elle n’imaginait sans doute pas où cette rencontre allait la mener. Certainement pas à la scène qu’on vient d’entendre : Jésus qui reste à Jérusalem alors que ses parents le croient dans la caravane. Et comme si ça ne suffisait pas, quand ses parents le retrouvent enfin, il leur fait une remontrance : « enfin quand même, vous auriez dû savoir ! ». Les enfants ne semblent jamais grandir sans inquiéter ni- dérouter leurs parents. Pour Marie aussi, c’est un nouveau début, un nouveau commencement. Son histoire est celle d’une déroute avec Dieu, ou plutôt celle d’un cheminement sans cesse dérouté.
« Celui qui monte avance de commencement en commencement, par des commencements qui n’ont pas de fin », c’est ce que remarquait déjà Grégoire de Nysse au IVème siècle. De commencements en commencements, c’est vrai pour Jésus, c’est vrai pour Marie, c’est vrai pour nous aujourd’hui. Parce que ce n’est pas seulement Jésus qui commence toutes choses mais par ricochet tous les gens qu’il rencontre : les fatigués du chemin comme les plus enthousiastes.
Dans la Bible, d’après la traduction œcuménique, il y aurait 119 occurrences des termes début ou débuter, commencer ou commencement. Mine de rien ce n’est pas rien. Une telle fréquence doit être une volonté d’insister sur un point particulier de notre condition de disciples : nous sommes des débutants. L’Evangile ne serait donc pas une parole adressée aux débutants pour les instruire, mais pour que nous devenions débutants.
Pour apprendre une nouvelle technique, on a tous déjà ouvert un tuto sur YouTube ou un bouquin du style L’anglais, voix express ou J’apprends l’aquarelle ou Premiers pas à la guitare, ou même La Bible pour les nuls…. ce sont des techniques pour devenir des pro et ne pas débuter trop longtemps. L’Evangile, lui, n’est pas de cet ordre. Comme le soulignait un frère moine de l’abbaye d’En-Calcat, les chrétiens sont ceux qui commencent toujours, chaque matin et à toute heure. Parce qu’ils commencent, ils sont joyeux. Ils avancent eux aussi vers une promesse. Parce qu’ils ne font que commencer, ils ne peuvent s’enorgueillir, ils ne peuvent se prendre au sérieux. Et leur joie n’écrase donc personne.1
Nous sommes des débutants sur ce chemin de la joie initiée par le Christ. Un peu comme Marie, ne comprenant pas tout, qui « gardait dans son cœur tous ces évènements » Lc 2, 51.
Il y a bien des choses aussi que nous ne comprenons pas : la mort de Paul, un chef scout de Dourdan où je suis aumônier, la quasi-veille de ses 19 ans – ses obsèques ont eu lieu ce mardi… Il y a bien des choses aussi que nous ne comprenons pas : les détresses psychologiques qui s’avèrent être parmi les grandes misères de notre temps… Il y a bien des choses que nous ne comprenons pas. Comme Marie qui, elle, gardait tous ces évènements dans son cœur, nous pouvons garder ce que nous ne comprenons pas dans notre sac à dos, notre sac à main ou notre musette : nous verrons sans doute quoi en faire plus tard. La vérité de nos existences est en train de se dévoiler.
Nous sommes des débutants, nous sommes même invités à le devenir. On ne peut donc pas faire les malins.
Quelle place laisserons-nous encore à la créativité pour vivre au quotidien, y compris pour prier et célébrer ? Comment laisserons-nous ce Dieu solidaire de tout humain initier de l’inédit dans nos solidarités et nos mains tendues ? Comment laisserons nous advenir la joie et la paix au milieu de nous ? Il nous faudra alors accepter nos pas fragiles et les hésitations de notre foi… parce que pour l’Evangile, il n’y a pas « d’erreurs de débutants » !
Tout est encore à écrire dans le fameux livre de la Vie qui rassemble ensemble toutes nos histoires personnelles, avec ce qu’elles ont de lourd et de léger à porter. Les premiers mots de ce livre sont écrits en hébreu : Bereshit bara Elohim, A un commencement Dieu créa le Ciel et la Terre… Ce livre porte tant de promesses.
Et c’est un bon début. La suite est à nous, nous les disciples, nous les humains, nous les débutants. Pour notre joie ! Nous sommes ensemble pour avancer, en famille puisque par adoption nous sommes tous associés à cette Sainte Famille. En avant, les débutants… avec Lui !