Est-il vraiment besoin, frères et sœurs, de commenter cet Évangile ?
Je veux dire — bien que beaucoup d’entre nous soient en vacances, nous avons tous l’esprit assez dégourdi pour comprendre ce que dit Jésus sans qu’on nous l’explique. Amasser des richesses ne sert à rien. C’est quelque chose que nous avons appris en cours de morale à l’école primaire à l’époque où il y avait encore des cours de morale à l’école primaire.
Non pas qu’il y ait du bonheur à être pauvre. Ce serait une curieuse chose que de trouver sa joie dans la privation. Mais les richesses sont faites pour être partagées. Les maisons sont faites pour accueillir des familles, les tables pour réunir des convives.
Et non seulement les richesses matérielles, qui sont les plus grossières des richesses, mais toutes les autres richesses. Nous en avons plein. Nous pouvons être pauvres en argent et riches en histoire, en mémoire, en savoir, en culture, en talents. Tout cela est fait pour être partagé. Un peintre ne garde pas ses peintures pour lui seul, dans le secret de son atelier, ni un musicien sa musique. Même le poète débutant qui écrit la nuit, dans le silence, un poème dont il sait qu’il ne sera pas publié écrit toujours pour quelqu’un, quelqu’un qui ne le saura peut-être jamais, quelqu’un qui n’existe peut-être pas encore.
Et parce que bon nombre d’entre vous, qui participez à cette messe par la télévision, sont des personnes seules, vous savez d’expérience que le drame de la solitude est qu’on n’a personne à qui donner. Avec qui partager nos joies et nos découvertes, à qui transmettre tout ce que nous avons appris, à qui donner la plus authentique de nos richesses, qui est notre amour.
Oui, tout cela, vous le savez déjà.
J’ai gardé peu d’amis de mon adolescence et de ma jeunesse. Cela est sans doute vrai de nous tous. Les amis que j’ai gardés, bilan dressé du haut de mes cinquante ans, ne sont ni les plus charismatiques ni les plus amusants ni même ceux dont, à l’époque, je voulais être le plus proche. Ceux que j’ai gardés se sont avérés être les plus généreux. Ce sont les amis qui avaient et qui ont toujours un lit à prêter, un repas à partager, une heure au téléphone à donner. Ceux qui répondent « présent », ceux qui m’ont fait des cadeaux plus grands que ce à quoi je pouvais m’attendre. Réciproquement, je crois que les jeunes dont j’ai pu avoir la charge et qui se souviennent de moi aujourd’hui ne sont pas ceux à qui j’ai prodigué des conseils astucieux ni adressé des prédications intelligentes — ce sont ceux à qui, je ne sais trop pourquoi, disons la simple sympathie, j’ai consacré du temps et de l’énergie ; ceux à qui, n’ayant rien d’autre à donner, j’ai essayé de donner mon amitié.
Ce qui lie les hommes et les femmes, c’est la générosité. C’est le don matériel et immatériel. C’est ce que nous prenons de nous-mêmes, de nos richesses, de nos talents, de notre cœur, et que nous donnons sans attendre de retour.
Mais tout cela, nous le savons déjà. Nous l’avons toujours su. Le Christ ne nous enseigne pas des choses qui seraient extérieures à nous et dont l’humanité n’aurait pas eu connaissance avant lui. Le Christ ne fait que dire, à haute voix et par des mots simples, que notre cœur savait depuis toujours. Ce n’est pas facile et bien des peurs et des égoïsmes entravent notre générosité, mais nous savons, depuis toujours, que la seule voie du bonheur est la générosité. Petite générosité de l’attention et du sourire, grande générosité du don de soi. Vraiment, il n’était pas besoin que je commente cet Évangile. Nous le savions déjà. Il n’est plus besoin que de faire, c’est-à-dire de donner et de nous donner, et nous serons heureux.
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