La paix, un rêve accessible | Homélie du 4 décembre 2022 à Charenton-le-Pont

Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble… (Is 11) Comment cela sera-t-il possible, se demandent nos esprits sceptiques ? Comment le prédateur et la proie, le fort et le faible pourraient-ils cohabiter un jour en osant vivre des relations réellement fraternelles ?  Le prophète Isaïe évoque l’ère messianique à travers la création de relations nouvelles et non violentes. Evoquant la fin de la loi de la jungle, il s’adresse à nous pour que l’homme ne soit plus un loup pour l’homme, sans pitié pour les plus faibles, et se sente solidaire des autres vivants pour la sauvegarde la création voulue par Dieu.
Frères et sœurs, le temps de l’Avent vient rouvrir nos esprits engourdis au projet d’un Dieu qui est venu dans le monde pour le renouveler, nous appeler à la réconciliation, à la paix.  Le texte d’Isaïe nous éveille à l’avènement d’une paix nouvelle. Celui que le monde attend, c’est le prince de la Paix ! Lui nous libèrera du joug de l’oppression, de l’inimitié , de la spirale de la violence ; il nous rendra capables de vivre enfin comme des frères.
La vision prophétique de la création réconciliée ne nous propose pas une vision naïve de l’avenir. Non, il s’agit bien du projet de Dieu pour notre monde, et nous voulons nous préparer à l’accueillir. Ce qui semblait impensable va devenir réalité : Dieu vient parmi nous pour nous apporter sa paix.
Frères et sœurs, soyons lucides : nos cœurs endurcis et nos esprits résignés sont trop peu disposés à bâtir ensemble cette paix. Nous préférons nous attacher à ce dont nous disposons déjà, pensant être en « sécurité ». Mais l’histoire donne des signes de recul, notait le pape François, dans l’encyclique Fratelli tutti, avant même le déclenchement de la guerre en Ukraine. Et il ajoutait : Le bien, comme l’amour, la justice et la solidarité ne s’obtiennent pas une fois pour toutes ; il faut les conquérir chaque jour (FT 11).  
C’est dans ce contexte que résonne l’exhortation de Jean Baptiste : Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. Convertissez-vous, c'est-à-dire ne restez pas prisonniers de vos pensées étroites, de vos peurs, de votre paresse, de vos convoitises futiles. Préparez-vous – au contraire – à accueillir Celui qui vient répondre à vos attentes profondes.

Laissons-nous étonner un instant par le message de Jean-Baptiste, cet homme menant une vie austère et nous appelant à la sobriété et au partage. Des foules nombreuses se rendaient auprès de lui – y compris les élites religieuses, pharisiens et sadducéens, les soldats romains qui occupaient le pays. Le prophète n’hésitait pas à prononcer des paroles dures, pour nous inciter à la conversion, à changer notre mode de vie s’il menace la terre ou la justice, à renoncer à la violence. Pourtant, les gens venaient nombreux, reconnaissant leurs péchés et recevant le baptême dans l’eau du Jourdain. Quel était donc le secret de Jean-Baptiste ? Il n’avait « rien à gagner », n’agissait qu’en simple serviteur. Jean a préparé le chemin de celui qui venait derrière lui : le Christ Jésus. Du côté des foules, en revanche, il y a un intérêt manifeste : le baptême de conversion est un gain, l’expression d’une espérance, un pas vers une vie meilleure. 
Frères et sœurs, n’est-il pas temps, pour nous aussi, de sonder nos cœurs et pour y (re)découvrir notre attente de paix, notre soif de justice, notre besoin d’être aimé et d’aimer ? N’est-il pas temps de faire un pas supplémentaire vers le Christ, celui qui rend nos vies meilleures ?
Oui la conversion est un gain – un enjeu à somme positive comme on dit - et pas seulement un gain personnel mais un gain pour le monde entier, qui attend d’être renouvelé. Ainsi, si nous peinons à trouver en nos cœurs assoupis ces attentes profondes, recueillons celles de tant de frères et sœurs : eux nous conduiront sur le chemin de l’Avent. Je pense aux malades et aux personnes âgées, qui dans leur solitude attendent la grâce d’une visite ; à ceux qui ont tout perdu à causes des désordres climatiques, qui espèrent une réconciliation avec la Création ; à ceux que la guerre et les violences de tous types ont profondément meurtri, et qui recherchent la paix. Les pauvres nous précèdent sur le chemin de l’Avent, parce qu’ils aspirent inlassablement au Royaume de Dieu, « un royaume de justice et de paix ».
Seigneur, ne nous laisse pas nous replier sur notre présent, sans grand rêve pour l’avenir. Viens raviver en nous la foi : la paix est possible ! Désarme-nous par ton amour. Nous voulons t’accueillir pour rendre possibles réconciliation et paix sur notre terre.
Amen.


Découvrez notre documentaire La naissance de Jean-Baptiste