La solennité de Tous les Saints est une étape de l’année liturgique qui peut induire en erreur : retenir le mystère célébré en regardant uniquement vers l’autre vie. La tentation est forte de porter attention uniquement aux Saints du Ciel, à ceux qui sont les fruits les plus précieux et les plus mûrs de l’arbre de la Vie, avec une admiration émerveillée, mais sans se laisser impliquer dans la sainteté et l’engagement dans la vie quotidienne.
L’Evangile nous oriente de manière décisive dans une autre direction, il nous amène à éviter cette erreur. Dans le récit des Béatitudes, St Matthieu indique le chemin à suivre dans la vie, pour pouvoir un jour récolter les fruits de l’engagement dans le vécu du quotidien. La récolte sera abondante si aujourd’hui nous sommes effectivement miséricordieux, si aujourd’hui nous avons faim et soif de justice, si aujourd’hui nous sommes des artisans de paix.
Depuis 7 siècles, les assoiffés de l’Evangile ont trouvé dans les fresques de cette église un chemin et une illustration de la sainteté. Nous aussi, laissons-nous aider et guider pour comprendre quel doit être notre chemin quotidien de fils de Dieu. C’est un chemin de perfection, fait de pas qui nous permettront de devenir semblables à Dieu. C’est la redécouverte de notre vocation baptismale.
Vérité, liberté et charité sont les piliers porteurs de notre cheminement chrétien et de toute vocation à la sainteté. Déjà St Augustin avait découvert ainsi son chemin de conversion.
La vie chrétienne part toujours d’un appel, d’une rencontre avec la vérité, le Christ. C’est ce qui est arrivé à Pierre et André, sur les rives de la mer de Galilée alors qu’ils étaient occupés à leurs activités de pêcheurs. Ils ont su abandonner une vie faite de quotidienneté pour suivre la Vérité et pour devenir pêcheurs d’hommes, annonciateurs sans peur d’une Parole capable de toucher en profondeur, tant le coeur des savants et des sages, que celui des gens simples et des petits, une Parole pour tous.
La solennité de Tous les Saints nous interroge avant tout sur notre vocation, sur notre capacité de renoncer à nous-mêmes, à nos sécurités et même à l’idée que nous nous faisons de la sainteté. Comme Pierre et André, comme tant d’autres dans l’histoire de l’Eglise, nous devons demander et avoir le courage de savoir abandonner les nombreux filets de la vie qui emprisonnent notre vocation à la sainteté : les filets du quotidien qui peuvent entraver les exigences de l’Evangile; le filet de l’égoïsme et le filet de l’individualisme qui limitent notre participation active à la croissance de la communauté; le filet de la guerre avec nous-même et avec les autres, destructrice des relations sincères avec le prochain; le filet de la paresse qui nous empêche de mettre à la disposition des autres notre temps et nos talents. Tous ces filets annulent l’esprit des béatitudes et sont des obstacles sur le chemin de la Sainteté.
L’image de Pierre en prison donne à réfléchir. Elle montre une des conséquences de la disponibilité jusqu’au sacrifice personnel pour suivre la Vérité. Avant la Passion et la Résurrection de Jésus, Pierre est timide, peureux et même traître. Après avoir reçu le don de l’Esprit à la Pentecôte, il se fait le témoin courageux d’une liberté particulière, celle apportée par le Christ : liberté par rapport au péché et au mal.
Paradoxalement, l’annonce de cette liberté mène Pierre et Paul en prison. Et il ne pouvait en être qu’ainsi. Aujourd’hui encore, celui qui a le courage d’annoncer la liberté des béatitudes -liberté par rapport à l’hypocrisie, la haine, l’injustice sociale, l’enrichissement égoïste – et bien celui-là est petit à petit et sournoisement réduit au silence par la société et par les intérêts mesquins des hommes qui outrepassent le bien de la personne. Et pourtant c’est cela l’annonce de liberté que nous avons proclamée dans les béatitudes.
Aucune chaîne humaine ne peut mettre une limite au chemin de perfection lorsque l’amour pour l’Evangile est total et désintéressé !
Ne nous donnons pas l’illusion que le chemin de la sainteté soit facile ! C’est une lutte avec les armes de l’Amour, de la charité.
Celui qui décide sérieusement et courageusement d’accueillir le Christ, Vérité et Liberté, celui qui décide de le suivre sur les pas de sainteté de l’Evangile, celui-là prend le risque de connaître le même sort que le Christ c’est-à-dire l’acte extrême de la charité : le martyre.
En cette année jubilaire, Jean Paul II a voulu célébrer la mémoire des martyrs du 20e siècle; il nous a montré que le martyre n’appartient pas qu’au passé. Nous aussi ne pouvons nous sentir dispensés du martyre. Il suffit de penser à toutes les fois où l’évangile est étouffé avec des armes aussi douloureuses que celles utilisées pendant les guerres : le silence et l’indifférence.
Pour nous, être saint signifie vaincre grâce à la puissance extraordinaire de la Parole de Dieu, qui paradoxalement, se manifeste dans la miséricorde et le pardon.
En accueillant le Christ – Vérité, Liberté et Amour – nous serons semblables aux Vierges de la parabole évangélique : nous aurons nos lampes remplies de l’huile précieuse qui alimente la flamme vive de la Parole de Dieu.
Ainsi la Solennité de Tous les Saints ne se réduit pas à l’émerveillement et au regard sur le futur : Elle nous engage dans le quotidien jusqu’au jour où, avec Marie, les Saints, nos êtres chers et tous les Saints et Saintes anonymes, nous serons appelés à la fête joyeuse de l’Agneau.
Références bibliques :
Référence des chants :