Les Sentiers de la Gloire | Homélie du 15 mai 1999

C’est le dernier soir de Jésus, quelques heures avant sa mort sur la croix des criminels.Et il prie : « Père, glorifie ton Fils afin que ton Fils te glorifie. » Surprenante gloire de Dieu ! En hébreu, la gloire c’est le poids. Poids d’une vie qui tient face aux puissances de mort et de vanité. Ce poids du réel de la vie qui affronte la souffrance, des cinéastes savent l’honorer.

Ici, à Cannes, je n’hésite pas à citer le film de Stanley Kubrick, au titre si évocateur, Les sentiers de la gloire. Les sentiers ! Non des avenues somptueuses mais des pistes ardues où la force d’aimer croise le mensonge, l’injustice et la mort infamante. Par souci d’honneur mondain, des chefs militaires condamnent à mort de dévoués soldats à qui Kubrick rend hommage ! Et aux dernières images, une jeune femme obligée à chanter arrache des larmes à ceux qui la méprisent et dans l’humiliation atteint la gloire qu’elle rayonne. J’y vois quelque chose de la gloire dont parle Jésus.

Rappelez-vous les palmes et les lauriers du jour des Rameaux ! Cette palme accrochée à nos croix est le prix du sang versé pour sauver l’humanité blessée. Sur la croix, Jésus se fait la poubelle du monde. Il en meurt, mais dans la paix et entre les mains du Père qui lui remet la Palme de la vie. Il le ressuscite. De cette traversée de la nuit de Pâques, à sa manière le cinéma fait écho. Car il n’existe que par la nuit de la caméra, camera oscura, chambre noire qui capte les ombres de la vie pour les transfigurer quand s’éteignent Les feux de la rampe.

Dans le Nuit et brouillard de l’Histoire tragiquement recommencé, il peut livrer une Parole de vie, trace brûlante de Dieu, comme les mystiques le savent avec la Nuit obscure de saint Jean de la Croix. Et dans les sombres défigurations il peut faire briller des Transfigurations, poids de gloire que Jésus répand sur tous les charniers et les mouroirs de l’Histoire.

C’est sur le visage de l’homme que resplendit la gloire de Dieu. Et le cinéma célèbre le visage humain, côté pile de la face de Dieu.

À Lyon, ville des frères Lumière, saint Irénée le proclamait déjà vers l’an 200 : « La gloire de Dieu c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme c’est voir Dieu. » L’homme vivant, libre de voir Dieu et de l’aimer en tout frère humain.

Au coeur de nos détresses, Dieu offre la gloire de sa vie pour nous rendre vivants et pour qu’à notre tour nous fassions vivre les autres.

Le merveilleux cinématographe, qui convie à d’heureuses festivités, pressent aussi la véritable gloire sur des sentiers qui sont chemins de croix, passages vers des naissances.

Vivre, c’est mystérieusement traverser la souffrance. Non pas la rechercher, mais l’affronter, car les pouvoirs de mort attaquent jalousement la vie que Dieu donne. Les grands témoins de l’humanité et de l’Évangile sont des vivants et le mal, jaloux, s’acharne toujours à les supprimer.

Le cinéma ne peut faire écran à cette force de vie qui surgit en tant de films où nous, chrétiens, nous reconnaissons des signes de la victoire de Jésus sur la mort. Au rejeté et au méprisé, au malade et au pécheur, Jésus redonne son poids de vie et d’éternité, lui faisant partager sa Palme de mort et de résurrection.

Depuis vingt-cinq ans, à Cannes, le Jury Œcuménique veille à discerner cette Bonne Nouvelle et à primer, dans une Europe et un monde déchirés, tout effort d’humanité.

La gloire de Dieu, c’est son poids d’amour qui nous fait vivre !

Les anges de Noël nous le rappellent : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime. »

Références bibliques :

Référence des chants :