Messe de la Fête de la Sainte Famille | Homélie du 28 décembre 1996

Le Christ est Parole vivante. Notre religion est religion de la parole, de la parole faite chair, de la parole entrée en famille, incarnée à Nazareth. C’est comme cela que j’ai vécu cette double procession tout à l’heure : Avec vous, comme en famille avec toutes ces générations représentées à l’entrée de notre liturgie et tout de suite en allant chercher l’évangéliaire de la crèche. Marie a donné son enfant hier, comme l’Eglise donne la Parole aujourd’hui. Nous recevons la Parole de Dieu comme un enfant qui grandit. Tout comme Jésus grandit et se fortifie, elle doit grandir en nous, prendre en nous une taille adulte. La Parole de Dieu nous éduque, elle fait grandir ceux qui l’écoutent et l’aiment. Nous qui nous retrouvons aujourd’hui en famille ici dans cette église ou chez vous parce que ce sont les vacances, vous savez que les enfants éduquent aussi leurs parents : ils les font changer, d’adapter…

Comme un enfant, demandons à la Parole de Dieu que nous venons d’entendre de nous faire grandir. Nous avons ici comme un tableau en trois parties, un triptyque. A gauche, une scène de l’Ancien Testament, à droite, le Nouveau Testament. Entre les deux, portée par la Parole de Dieu, notre histoire d’aujourd’hui, notre vie familiale telle qu’elle est.

Et tout d’abord, ce récit bien connu de la naissance d’une famille chez Abraham par l’arrivée d’Isaac. Cet enfant est né comme un don. Nul ne l’attendait plus. Ses parents étaient déjà vieux, mais Dieu avait promis. Humainement, les parents avaient fait ce qu’ils pouvaient, mais Dieu va leur demander d’aller plus loi. D’avoir foi en Lui, en sa Parole, en une fécondité apparemment impossible. Et leur foi en Dieu va être totale et Isaac va arriver : La Parole de Dieu donne une naissance. " Dieu agit pour elle comme il l’avait dit. " Le premier Testament, la première Alliance peut alors commencer : Dieu s’est engendré en Isaac, puis en Jacob, un peuple, Israël. La foi d’Abraham et de Sarah a soulevé des montagnes.

A l’autre bout de la Révélation, au seuil du Testament Eternel, du Nouveau Testament, une histoire similaire survient. Marie donne naissance aussi à un enfant : un enfant unique, engendré non pas créé. Cet enfant est de Dieu. Il est Dieu. Il est l’incarnation de cette Parole qui a résonné dans l’histoire depuis Abraham. Là aussi la foi de Marie et de Joseph en la Parole de Dieu a été le réceptacle nécessaire à l’accomplissement du don de Dieu. Au seuil du Nouveau Testament, Dieu se choisit une famille pour nous donner une famille. Dieu donne son Fils et le confie à Joseph et Marie pour qu’ils réalisent ensemble l’éducation de leur enfant. De cet enfant va naître un peuple, l’Eglise, son corps vivant, sa famille dépositaire de sa présence. La foi a permis cette Alliance nouvelle et éternelle.

A l’intérieur de ce peuple, Siméon puis Anne, ces deux vieillards, figurent l’attente et la patience d’Israël. Ils accueillent Jésus dans la maison du Père et le reconnaissent comme la lumière des nations. Ils sont pour nous figure de la foi et de l’alliance.

Et voilà notre Eglise, notre communauté, qui vient se glisser au milieu de cette histoire sainte pour recevoir sa vocation à la sainteté. Nous fêtons ensemble la Sainte Famille : avec les enfants tels qu’ils sont, peut-être un peu loin de ce que nous aurions souhaité qu’ils deviennent. Avec vous, les parents qui vous battez pour donner le meilleur de vous-même dans cette aventure si déroutante de l’éducation. Avec vous, grands-parents dont le témoignage de la durée dans l’amour est si bouleversant pour nous tous. Notre Eglise c’est aussi ceux et celles qui sont en attente ou en désir de paternité ou de maternité et ceux et celles qui sont en deuil de paternité ou de maternité. Ensemble nous sommes la famille du Christ.

La Sainte Famille, disons-nous… Oui, la famille est bien le lieu où se relèvent … et se révèlent aussi- ces deux enjeux de la confiance (la foi) et de la durée dans l’alliance.

C’est la foi, la confiance qui régit nos rapports familiaux. La foi dans ces trois dimensions qui constituent notre univers : la profondeur – la foi en Dieu- la largeur – la foi en l’autre – et la hauteur – la foi en soi. C’est avec le même coeur que nous aimons Dieu, les autres et nous-mêmes. Jésus lie d’ailleurs ces trois dimensions de notre vie lorsqu’il nous dit d’aimer le Seigneur de tout notre coeur, et notre prochain comme nous-mêmes. La vie familiale et la vie quotidienne se chargent elles-mêmes de hiérarchiser cette triple confiance :

  • Une confiance raisonnable en soi, une confiance réaliste.
     
  • Une confiance amoureuse, attentionnée et fidèle en l’autre.
     
  • Une foi totale et filiale en Dieu.

 

C’est le manque de confiance en l’une ou l’autre de ces personnes qui nous permet de comprendre que ces réalités se nourrissent l’une l’autre. Pas de foi en l’autre sans un minimum de confiance en soi. Pas d’acceptation de l’humanité de l’autre sans acceptation de sa propre humanité. Pas de respects des autres sans respect de soi (dans son corps, dans son histoire…). Pas d’amour de Dieu (qu’on ne voit pas) sans amour des autres (ceux que l’on voit). Pas de pardon des offenses sans pardon reçu de Dieu (on reçoit le pardon de Dieu pour vivre le pardon avec nos frères) etc. La vie familiale nous révèle à nous-mêmes et aux autres tel que nous sommes. La vie familiale est un cristal.

Oui, la famille est le lieu de l’alliance, ce secret désir de la fidélité que la vie vient éprouver et que nous devons sans cesse adapter à ce que nos parents, les enfants ou le conjoint nous font devenir. L’alliance est une histoire et un don qu’il faut sans cesse réajuster, actualiser au cours de sa vie. Et il me semble que le fil rouge de cette alliance d’est notre désir et notre volonté de vivre en nous pardonnant quand c’est nécessaire, sans laisser s’accumuler les dettes et le non-dit. Le pardon c’est le nom de l’alliance quand il y a un différent, un conflit entre des personnes.

Nos situations humaines et familiales sont variées : douloureuses ou heureuses, dignes ou indignes : comment recevons-nous aujourd’hui cette parole de Dieu ? Quelle fécondité peut-elle avoir dans la situation familiale qui est la nôtre ? La sainteté de la famille n’est pas réservée à une élite. La sainteté de la famille, c’est un acte de foi que nous faisons en Dieu qui nous donne à chacun d’être acteur de son amour à Lui dans les situations qui sont les nôtres. Avec cette famille ecclésiale réunie par la télévision aujourd’hui, si vous le voulez, prions un instant pour ceux qui nous sont le plus cher et demandons à Dieu pour eux le droit au bonheur.

Références bibliques :

Référence des chants :