Messe du 12ème dimanche du Temps Ordinaire | Homélie du 21 juin 1997

"Passons sur l’autre rive."

Après avoir prêché en paraboles, sur la barque qui sert de porte-voix et de chaire, Jésus invite ses disciples à traverser le lac. Une parabole en acte.

C’est le soir, il fait sombre, la barque porte-parole navigue vers l’autre rive. Les disciples s’embarquent pour une parole de foi.

Mis en mouvement par la parole de Jésus, c’est aussi leur foi qui bougera jusqu’à la question : mais "qui est-il donc ?"

Jésus, Parole vivante, traverse la mer avec ses amis, pour les ouvrir à la paix d’une traversée intérieure.

 

Pour les Hébreux, la mer est le repère des démons, des forces du mal, des dragons de l’angoisse et de la violence. Les monstres dévoreurs de la vie et de la joie veulent engloutir la fragile barque de la Parole.

Et Jésus dort !

Nous croyons qu’il est absent et qu’il nous abandonne… Il s’abandonne à son Père se reposant en Lui. Sur la croix il dira : "Père, entre tes mains je remets ma vie."

Réveillé il commande à l’ouragan de la mort : "Silence, tais-toi !"

Il parle pour faire jaillir la vie et la paix, comme au matin de la création. Après le sommeil dans la tempête, signe de mort, ce réveil de Jésus est résurrection.

Alors il se fait un grand calme.

Le gouffre de la mort devient un berceau.

Comme avec Moïse, la mer s’ouvre en chemin de libération.

Le passage devient Pâques. L’autre rive est celle de la Résurrection.

 

"Passons sur l’autre rive."

Jésus ne dit pas : "passez" mais "passons", ensemble.

La barque devient tabernacle de la Parole, s’aventurant dans les cyclones de l’Histoire et de la vie. C’est l’Eglise, vaisseau ballotté, toujours abîmé et toujours réparé comme cette nef magnifique qui nous rassemble. L’Eglise, petit navire qui a beaucoup navigué, loin de son port tranquille, vers l’autre rive qui sans cesse recule… Mais en elle repose la Parole de vie.

 

"Passons sur l’autre rive."

Oui. Mais "qui est-il donc" celui qui invite passer et fait taire la mer ?

Alors même que nous passons les épreuves de la vie, un passage s’ouvre, en nous, qui nous secoue bien sûr mais qui nous offre la paix.

La Parole nous réveille et impose silence à nos rêves et cauchemars sur Dieu.

Car l’autre rive est aussi en nous. Et la parole nous traverse dans toutes nos traversées.

Son glaive tranchant déchire les fantômes rugissants et les fantasmes déferlants, qui hantent nos images de Dieu.

"Silence, tais-toi !" crie Jésus au mensonge qui nous porte pour mieux nous noyer.

Alors viennent le calme et la paix.

 

"Qui est-il donc", celui qui fait taire toutes les forces de la mort ?

C’est la question de la foi qui nous traverse au coeur de nos tempêtes.

C’est la question de Dieu qui surgit quand nous posons la question de l’homme.

C’est Dieu qui nous appelle quand nous l’interrogeons dans nos peurs.

La Parole est toujours dans la barque, mais elle prend corps en nous alors que nous partions la chercher sur des rives lointaines. Notre corps devient barque, radeau de sauvetage, planche de salut, où la parole de Dieu vient se greffer, se laisse clouer comme sur un lit de souffrances et parfois se reposer.

Nos idoles et nos dragons intérieurs meurent. Alors dans le silence nous pouvons entendre le murmure de la Parole qui nous offre la paix.

Peureux, nous traversions la vie… et voilà que la vie nous traverse nous rendant heureux.

 

"Qui est-il donc ?"

Il est le vivant qui nous donne la vie du Père. Le vivant qui nous arrache aux griffes de la mort pour nous conduire au rivage où le Père nous attend.

Amis, quels que soient vos tempêtes et peut-être vos naufrages, passez, avec Jésus, sur l’autre rive. Elle est habitée par le Père.

Jésus ressuscite votre foi et libère en vous la joie…

Jusqu’à l’heure de passer, au soir tombant, sur l’autre rive de la vie.

Références bibliques :

Référence des chants :