Messe du 24 septembre 2017 à Liège (Belgique | Homélie du 24 septembre 2017

Quelques citations et de proverbes illustrent à souhait la parabole que nous venons d’entendre : « Comparaison n’est pas raison » ; « Qui se compare à autrui voit la balance toujours pencher du côté qu’il veut » ; « On compare plus volontiers pour abîmer que pour rehausser » ; « Le bonheur survient lorsque nous nous arrêtons de nous comparer aux autres », ou encore, « Celui qui aime n’a pas besoin de comparer : quand la comparaison entre par la porte, l’amour sort par la fenêtre ». Comparer, toujours comparer !

Reconnaissons-le, la comparaison fait partie de nos vies et elle peut être signe de sagesse lorsqu’elle nous permet de faire des choix judicieux, c’est-à-dire des choix ajustés à la volonté divine. Là où le bât blesse, c’est lorsque la comparaison est érigée en philosophie de vie, ou pour le dire autrement lorsque nous nous mettons à tout comparer, avec ce présupposé erroné que nous sommes tous les mêmes, que nous sommes tous égaux. Or, la vie nous apprend qu’il en va autrement : nous sommes toutes et tous des êtres uniques se réalisant à partir de leurs forces et de leurs fragilités. L’unicité est constitutive de notre humanité. Nous avons reçu certaines qualités et d’autres nous font défaut. Nos intelligences rationnelles, émotionnelles et spirituelles varient d’une personne à l’autre. Il n’y a pas lieu de regretter cette réalité puisque c’est précisément dans la rencontre de nos différences que l’amour peut trouver sa place et se réaliser. Or, ce qui est frappant dans la dynamique de la comparaison, c’est que, de manière naturelle, nous aimons davantage nous comparer à celles et ceux qui ont plus que nous, plutôt que de nous réjouir de ce que nous avons déjà. Nous entrons ainsi dans une spirale du « toujours plus et dans une certaine mesure, du toujours plus, le plus vite possible ». Si nous poussions cette logique de la comparaison jusqu’à son paroxysme, nous pourrions aller jusqu’à estimer que nous avons un droit à réclamer le même traitement tout en niant nos différences, notre altérité. La justice que nous proclamerions serait un lieu de fermeture dans lequel nous deviendrions prisonniers de nos attentes inassouvies. Cherchant à toujours comparer, nous nous centrerions alors sur nous-mêmes uniquement ; une voie sans issue, il va sans dire. Par contre, si nous nous comparons avec ceux qui ont moins que nous, n’aurions-nous pas un autre regard sur la vie ?

 

La vie n’est pas un droit, la vie n’est pas un dû. La vie est un don. Discutant un jour avec une personne ayant subi un triple pontage, je lui demandais ce que cette opération avait changé pour elle. Il me répondit ceci : « Dans la vie, il y a les pontés et les pontables. Quand on est un pontable, on pense que la vie est un dû alors que lorsque l’on est ponté, nous découvrons que la vie est un don de chaque jour ». En conséquence, une certaine idée de justice avec des droits sans aucun devoir en contrepartie risque de nous enfermer à jamais dans une logique mortifère de comparaison. Nous deviendrions comme ces ouvriers de la première heure qui estiment avoir de nouveaux droits alors que leur contrat a été justement respecté.

 

La dynamique divine s’inscrit quant à elle dans un tout autre champ : non plus celui du droit mais celui du don l’amour, du don de la tendresse, du don de la dignité ; et cela, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit. Mieux encore, même lors de notre dernière heure, notre Dieu nous accueillera dans l’immensité de son amour. Dieu ne calcule pas, Il nous donne de surcroît, Il nous donne toujours en abondance. Pour Lui, la vie est un don, non un dû. Alors que nous soyons en bonne santé ou en train de traverser l’épreuve de la maladie ou du deuil, par cette parabole reçue, Dieu nous convie à nous réjouir de tout ce que nous avons reçu, à reconnaître qu’il y a ou qu’il y a eu de la beauté dans nos vies. La vie nous a été donnée. Ce n’était pas un don instantané mais un don qui se vit tout au long de nos années. Un don qui donne ou redonne à chacun sa dignité.