Une idée court à travers les lectures bibliques que la liturgie de l’Église nous propose en ce dimanche, premier jour de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens : c’est Dieu qui choisit, appelle, envoie des hommes, des femmes, un peuple et donne à chacun, à chacune, sa mission.
Quel est le contenu de cette mission ? Annoncer la Bonne Nouvelle du salut à toutes les nations jusqu’aux extrémités de la terre, donner le Christ, le Sauveur, au monde.
Isaïe, Paul, Jean-Baptiste nous parlent de Jésus le Christ. La Parole qui nous est donnée aujourd’hui veut nous faire connaître le Christ. Non seulement, la Parole nous annonce qui est Jésus, mais elle dit encore ce qu’il réalise. Nos témoins sont très différents les uns des autres, chacun étant marqué par ses origines, sa culture, sa tradition, comme les membres de l’Église de Dieu qui est ici à Lund.
Il est donc normal qu’ils puissent exprimer chacun à leur manière le rôle que remplit Jésus.
Le peuple d’Israël est le serviteur de Dieu, dit le prophète Isaïe, Dieu l’a élu depuis toujours pour porter son salut jusqu’aux extrémités de la terre.
Isaïe développe son action en deux temps : il montre le Serviteur proposer le salut à son peuple et rassembler toutes les tribus d’Israël, puis étendre son action au monde entier, et devenir « lumière des nations ».
Mais, qu’est-ce donc que ce salut dont parle Isaïe ?
Voilà un mot assez vague, qui ne signifie pas grand chose pour l’homme de la rue si ce n’est le fait d’échapper au danger, à la mort.
Peu de gens expriment la nécessité d’être délivrés ou libérés du mal. Encore moins d’être rachetés comme on le faisait d’un esclave, de l’esclavage du péché et que, pour ce faire, Dieu a mis le prix : « L’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ».
Nos contemporains n’ont guère l’impression d’être esclaves, pécheurs, perdus, et par conséquent, n’ont pas de demande de salut. Même si aujourd’hui nos sociétés parlent de crise, de fractures sociales, si les jeunes vivent « dans la galère » ou ont « la rage », personne n’imagine plus que la solution puisse venir d’un Dieu qui sauve.
Comment nos Églises peuvent-elles transmettre à nos contemporains, à nos jeunes, l’espérance et la joie de vouloir goûter au salut qui est la vie éternelle dans l’au-delà ?
Comment rendre ce salut crédible sinon en nous préoccupant d’abord, comme Jésus, de toutes les souffrances, de toutes les misères que nous rencontrons ? Aider, soulager, servir nos frères, c’est leur dire, autrement que par des mots, combien Dieu les aime et veut leur salut explicite. C’est là notre mission, à nous qui sommes l’Église, le Corps du Christ, la présence du Christ Sauveur dans les lieux où nous habitons.
Croire au Christ, chers amis, c’est croire que quelqu’un est venu chercher et sauver sur terre ce qui était perdu. Sans doute comprenons-nous mal cette affirmation.
Pour nous montrer la mission de Jésus Jean-Baptiste nous présente le Christ comme « l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ».
Jésus ôte, enlève, le péché, comme s’il s’agissait d’un poids ou d’un obstacle. Le langage de ce prophète est assez évocateur d’une libération que Jésus vient faire, comme si l’homme était limité dans sa pensée ou son action par des entraves pesantes qui l’empêchent d’aller jusqu’au terme de son destin.
Le Christ vient donc élargir ses perspectives et ses possibilités.
Le Christ, « l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde », se présente à nous comme lié à la misère à sauver. Là où il y a de la misère, toute misère, là il y a le Christ.
Lorsque le christianisme, c’est-à-dire nos Églises, même divisées ou séparées, a cette conviction qui est celle du Christ, il rejoint les hommes et les femmes de ce temps et il délivre.
Innombrables sont les conséquences de cette affirmation de foi. Elle nous sauve, tout d’abord, d’un insidieux pharisaïsme tenace à la nature humaine : nous sommes tous faits de la même pâte humaine, à la fois pauvres et riches, sanctifiés et pécheurs… En effet il n’y a pas d’un côté des sauveurs – dont nous serions – et d’un autre les autres. Il n’y a qu’un Sauveur, le Christ Jésus qui veut nous sauver tous, nous comme les autres.
Cette vue du Christ lié à notre misère nous sauve aussi du désespoir qui, à certaines heures peut étreindre l’homme, tout homme, devant sa plus secrète misère : nous n’avons pas le droit de nous mépriser puisque le Christ ne nous méprise pas. Où voyons-nous dans l’Évangile qu’Il ait repoussé un pécheur qui se présentait à lui comme un pauvre ?
Avec le prophète Isaïe tout homme, toute femme en ce monde a le droit de croire et de proclamer : « Oui, j’ai du prix aux yeux du Seigneur, c’est mon Dieu qui est ma force. »
Paul désignait d’un mot l’Église et l’action du Christ en elle : « Ceux qui ont été sanctifiés », c’est-à-dire libérés du poids qui les limite dans leur évolution et, de plus, imprégnés de la puissance vivante de l’Esprit. Mais en même temps, Paul sait fort bien que tout n’est pas fait, car aussitôt après, il rappelle que les sanctifiés sont « appelés à être saints », comme si tout était déjà donné par l’action du Christ, mais ne pouvait être épanoui que par l’acceptation de l’homme.
Chers amis, nous avons reçu aujourd’hui un message fondamental. Tellement essentiel, qu’il a pu paraître un peu trop général ou en dehors de la vie concrète. Cela ne vient-il pas de ce que notre vie quotidienne est généralement inconsciente des réalités qui la composent. Nous restons si souvent limités aux apparences et nous ne nous rendons pas toujours compte que nos décisions les plus modestes, nos actions les plus insignifiantes en apparence sont, en réalité, des expressions de notre choix profond, de notre acceptation ou de notre refus de ce que Jésus nous dit aujourd’hui.
L’Église est faite de pécheurs que le Christ et l’Esprit Saint sauvent et sanctifient. Le Christ est-il alors divisé ? Non pas. Le Christ est-il tenu en échec ? Pas davantage. Il grandit au milieu des siens, mais avec eux, toi et moi, il grandit dans le monde qu’il vient sauver.
Le Christ est vivant et il ne cesse de grandir en nous et dans le monde. Demandons au Seigneur qu’il nous éclaire tous comme il l’a fait pour Isaïe, Jean-Baptiste et Paul, et qu’il nous donne la force d’être comme eux des témoins de son amour.
Références bibliques :
Référence des chants :