J’aime bien ce jour des Rameaux. Les églises se remplissent plus que d’habitude. De nombreuses personnes qui pratiquent peu se sentent aujourd’hui invitées et accueillies. Tous ces branchages que nous agitons donnent un air de fête. Nombreux sont parmi nous ceux qui mettront ces branchages en évidence dans leurs maisons, ou en porteront à des amis, des malades, ou encore iront en déposer sur les tombes. Ces rameaux nous relient à tant d’autres personnes !
Ceux qui jugent la foi de l’extérieur pensent voir là une superstition. Mais ils n’ont rien compris ! Les croyants, eux, savent que ces rameaux n’ont de sens que parce que nos coeurs et nos regards sont déjà tournés vers la fête de Pâques, dans une semaine, et la joie de la résurrection de Jésus le Christ. C’est comme si nous marchions aujourd’hui encore un peu de nuit, mais nous nous soutenons les uns les autres pour parvenir à la lumière du matin promis, du matin de Pâques.
Pourtant, je dois reconnaître que la marche ne sera pas si facile pendant la semaine qui vient. La fête des Rameaux elle-même a un petit goût doux-amer : la foule qui à coup de « Hosanna » acclame Jésus faisant son entrée sur un âne à Jérusalem sera celle qui va crier « à mort ! » un peu plus tard. Alors, et moi, et chacun de nous, nous pouvons nous demander : cette attitude versatile, n’est-ce pas un peu moi-même ?
Une autre chose est bien dure aujourd’hui, c’est la lecture de la passion de Jésus. Nous entendons encore ce témoin de la mort de Jésus, au pied de la croix : « Si tu es le Fils de Dieu, descends de ta croix ! » Pourquoi la parole d’amour est-elle clouée sur le bois de la croix ? Pourquoi faut-il que Jésus souffre ? Pourquoi faut-il que Dieu, par Jésus son Fils, passe par le rejet le plus total et par la mort ?
Je crains de ne pas avoir de réponse définitive. Dieu, ici, nous entraîne au-delà de nos raisonnements ! Essayons cependant de trouver une voie !
Nous sommes là, nous, confrontés au mal sous toutes ses formes, que ce soit la souffrance, la mort, ou bien le désir de faire le mal, c’est-à-dire ce qu’on appelle notre péché. Ou encore la violence guerrière, comme dans les Balkans, le nationalisme exacerbé. Et parfois nous rêvons que Dieu vienne effacer tout cela de notre vie. Ou bien on lui reproche de ne pas le faire. Autour de nous des sarcasmes montent : « Où est-il ton Dieu, puisqu’il n’intervient pas ? » Mais Dieu n’intervient pas comme un magicien. Voici comment il intervient : en Jésus, il nous rejoint. Il rejoint aussi l’homme pécheur, celui qui souffre ou meurt. Dieu n’efface pas d’un coup de gomme, mais il affronte avec nous, il porte avec nous et pour nous. Ce qui me frappe et me séduit, chez Jésus, c’est qu’il va jusqu’au bout de ce qu’il dit. Dieu ne triche pas. Toute sa vie, Jésus de Nazareth ne cesse d’être donné, de donner de sa vie, et dans sa mort sur la croix, il donne toute sa vie.
Et Jésus nous ouvre une formidable espérance : Toute sa vie il montre que l’amour peut triompher, il indique un chemin de solidarité contre le mal. Par sa résurrection, il montre que la vie l’emporte sur la mort. La foi chrétienne consiste à ne jamais nier la mort, et à cause de cela certains croient que nous sommes des gens un peu morbides. Il n’en est rien ! La foi chrétienne consiste à ne pas nier le péché ou la mort mais à les affronter avec la force que Dieu nous donne. Avec Jésus passer la mort, tel est notre programme ! Dans notre prière, nous demandons à Dieu moins d’effacer que de porter avec nous !
Lorsque nous comprenons cela nous sommes émerveillés davantage encore par le visage de Dieu. Dieu n’est pas un « père fouettard » qu’il faudrait craindre. Le Dieu « très haut» est aussi le Dieu « très bas » ! Il laisse l’homme le rejeter. Il ne cherche pas à se venger de la mise à mort de Jésus. Il promet la vie à ceux qui voudront l’accueillir, même tard, même à la dernière minute, comme le bon larron !
Dieu tout-puissant et très bas ne veut en rien forcer notre adhésion : Dieu prendra la première place qui lui revient, non pas de force, mais seulement par l’ouverture du coeur de ceux qui un jour enfin lui disent « oui ! » Alors, j’ai envie de dire : profitons de la Semaine Sainte pour accueillir davantage la force que Dieu veut nous donner. Pratiquants réguliers, montrons-nous accueillants envers ceux qui aujourd’hui nous rejoignent. Croyants qui ne viennent pas régulièrement dans une église le dimanche, comprenons tout l’intérêt qu’il y a à rejoindre des frères. Ceux qui nous rejoignent aujourd’hui grâce à la télévision aimeraient être au milieu de nous. Ils sont empêchés de le faire par l’âge, la maladie ou la distance. Ils sont en communion avec nous, et ils savent bien que nul ne peut être croyant tout seul.
Depuis Jésus, tant de croyants nous ont montré le chemin qui conduit à la vie, en donnant de leur vie, ou en donnant toute leur vie, en pardonnant, en se battant pour la justice, en luttant contre le mal en eux-mêmes, contre la violence ou l’esprit guerrier. Ils sont nos ancêtres dans la foi, et c’est à leur suite que nous brandissons ces rameaux. Et Jésus, notre force, demeure en nous, comme en eux, Jésus qui est « la vie de nos vies » !
Références bibliques :
Référence des chants :