Sérénité | Homélie du 28 août 1999

Voilà un dialogue bien tragique ! Jésus annonce sa mort, et Pierre ne comprend pas. Jésus annonce ses souffrances, la passion qu’il va subir à Jérusalem. Jésus annonce qu’il va partir et que c’est inéluctable ! Pierre ne comprend pas. “ Cela ne t’arrivera pas, Seigneur ! ” Oh, c’est là parole d’attachement au Maître, mais c’est parole d’incompréhension. Pourtant Jésus n’annonçait pas que sa mort, mais aussi sa résurrection ; Jésus proclamait sa confiance en son Père qui ne peut laisser son enfant dans les ténèbres de la mort ! Pierre n’a vu que la mort et il n’a pas entendu les mots de la vie. Devant la gravité des paroles de Jésus, ce que dit Pierre sonne faux et c’est scandale pour Jésus.

Quand quelqu’un nous dit qu’il y a quelque chose de grave, que sa maladie l’épuise, que les médecins s’interrogent, une angoisse profonde nous prend. Nous qui sommes en pleine vie, ou du moins qui portons les lourdeurs inhérentes à la condition humaine, devant une telle gravité, nous sommes réduits bien souvent au silence. De même lorsqu’un ami nous parle de ses souffrances morales, de son amour déçu, de son avenir bouché, là aussi, les mots s’arrêtent dans notre bouche. Le silence est peut-être la bonne solution. Mais il nous arrive de dire comme Pierre : “ Cela ne t’arrivera pas ! ” Il y a aussi ceux qui lancent des paroles pieuses pour se débarrasser de l’autre sur le compte de Dieu : cela sonne faux ! Ah, nous ne sommes pas meilleurs que Pierre, lui qui aimait pourtant son Maïtre ! Alors, comment parler juste ? Comment parler avec coeur à celui que visitent la mort ou des ténèbres de toute sorte ?

Vous ne parlerez jamais avec justesse de la mort, de la maladie, des épreuves devant une vie qui se brise par la méchanceté ou l’incompréhension d’un autre, si cette réalité ne vous a jamais traversé. Sinon, vous serez toujours le bien-portant qui ne comprend rien. Mais l’expérience –et il n’est pas nécessaire qu’elle soit immense- ne suffit pas. Que fait-on de ce que l’on a vécu ? Jésus lui-même nous éclaire lorsqu’il nous dit : “ Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. ” En parlant ainsi, Jésus nous livre sa propre expérience. Pour nous, il s’agit de faire la même expérience que lui. Comme lui, prendre notre vie, en faire une oeuvre d’amour. Voilà ce qui permet de comprendre les autres, quelles que soient leur souffrances. Ce qui a été joyeux ou douloureux, le prendre comme un instrument pour essayer de comprendre son frère, sa soeur, de respecter ses compagnons de travail, tous ceux que nous rencontrons.

Ce chemin est long et demande du courage. Mais on découvre progressivement que c’est un chemin de paix, ou pour prendre un mot ici plus juste, c’est le chemin de la sérénité. La sérénité : les épreuves sont dépassées, même si elles laissent encore leurs traces au fond de nous. Par la grâce de Dieu, la paix est venue. Dieu a pris le temps qu’il fallait : à l’heure bonne pour nous, il nous a visité. Le repos est venu. Cette sérénité est communicative. Il devient possible d’écouter celui qui souffre et qui pleure… Faut-il parler ? Faut-il se taire ? Qu’importe ! Les mots ou le silence sonnent juste. Notre sérénité, habitée par la bonté de Dieu, est là. Et le coeur de l’autre est touché !

Mais il faut ajouter ceci : lorsque montent en nous la révolte ou une douleur insupportable devant les épreuves abominables des autres, le seul acte juste est de se tourner vers Jésus qui a affronté la mort et pris sa croix, et de crier : “ Je ne comprends pas, je suis tenté de dire comme Pierre : non ! Mais c’est toi, Seigneur, la vie ! Je te fais confiance. ”

S’il est quelqu’un qui a compris Jésus jusqu’au bout, jusqu’au pied de la croix, droite dans sa foi, c’est Marie. Elle a compris son fils. Elle a médité son mystère dans son coeur. Visage de la sérénité, tels ces visages graves mais doux et paisibles qui brillent dans les icônes ou sur nos statues. Marie communie au désir de son fils de sauver le monde. Comme vous le souhaitait votre fondatrice sainte Jeanne de France, mes soeurs, “ vivez de la vie de Marie ! ”

En cette messe célébrée aux intentions des téléspectateurs vivants ou défunts, je me permets de souhaiter aussi à vous tous cette vie sereine, douce, vraie et courageuse de Marie, Mère de tous les hommes, notre Mère.

Références bibliques :

Référence des chants :