Suivre la lumière | Homélie de la messe du 13 Décembre 2020 à Lisieux

Savez-vous la joie que le Seigneur vient de me faire ? Il a bien voulu qu’il neige le jour de mon anniversaire. Bon, évidemment, je ne suis pas né en août. C’était il y a quelques jours. Ce n’était pas grand-chose, et le matin la neige a vite fondu, mais ça m’a rendu joyeux. Et pas que moi. Figurez-vous que vers minuit, un des frères de mon couvent, qui occupe la chambre à côté, m’a réveillé au téléphone pour me dire tout ingénument : « Tu as vu, il neige ! Bon anniversaire ! » A sa décharge, il vient des Philippines où il ne neige pas tous les jours non plus. Mais enfin, mon frère m’a bien fait comprendre qu’il faut savoir se réjouir de peu. Apprendre à voir ce qui éclaire, même en pleine nuit.

Ste Thérèse, elle, avait demandé de la neige le jour de sa prise d’habit au Carmel et elle l’a obtenue. Comme le disait Isaïe tout à l’heure, Thérèse pouvait ainsi tressaillir de joie dans le Seigneur, couverte du blanc manteau de la justice. La neige immaculée semblait envelopper par avance toute l’amertume de sa vie future. Thérèse, comme mon frère insomniaque, aurait pu ce jour-là ne pas voir la neige, ne pas y prêter attention. Ou pire, pester contre ces flocons à moitié fondus tout juste bon à vous faire glisser mais même pas assez compacts pour en faire un bonhomme. Mais au contraire, elle a mis en application le conseil de Paul tout à l’heure : « ce qui est bon, gardez-le ! » Pour elle, la neige, c’était un peu de douceur qui venait droit du ciel. Un cadeau à ne pas laisser tomber.

Jean-Baptiste aussi, lui, choisit de voir. Non pas la neige, mais la lumière. Toute sa vie il l’a guettée. Tellement, qu’il en devint lumineux lui-même. Tellement qu’on se pressait pour aller le voir de Jérusalem. Les prêtres, les lévites qui eux aussi cherchaient la même lumière. Mais voilà, Jean-Baptiste reflétait une lumière qui n’était pas encore là. Lorsque l’on se presse autour de lui pour l’interroger, Jean-Baptiste brille déjà de la lumière à venir. Il brille du Christ. La lumière qui vient, Jean-Baptiste la voit au milieu d’eux tous. Il la devine chez ceux qui accourent à lui, assoiffés de voir le Messie. Chez ceux qui viennent se faire baptiser, avides de conversion. Il voit la lumière de Dieu se refléter dans la beauté du désir des hommes et des femmes. Ceux qui veulent faire le bien et devenir meilleurs.

 

Ce matin, Jean-Baptiste nous regarde nous aussi, de son lumineux visage. Il voit en nous ceux qui viennent pour chercher la lumière et il nous redit : « Elle est au milieu de vous ! » Au milieu de nous, dans ce fatras de noires nouvelles qui nous accablent. Dans cet énième mois d’isolation et de pagailles. Dans ces célébrations de Noël avec ou sans neige, où on pourra faire la fête, mais pas trop, se réunir, mais qu’un peu… Il en faudra des Saintes Thérèse et des Saints Jean-Baptiste pour nous apprendre à voir.

Parce que le chrétien est justement celui qui n’éteint pas la lumière, qui n’éteint pas l’Esprit, comme le dit Paul. Mais qui la cherche. Le chrétien traque de ses yeux aiguisés où se cache la lumière. On le sait, la lumière ne se voit que si elle se reflète, ses rayons traversent l’air incognito si rien ne vient les arrêter. Ainsi la lumière du Christ éclaire secrètement la vie d’absolument tous les hommes, aussi sombre soit la nuit dans laquelle ils puissent être enfoncés. Elle nous précède tous cette lumière, surgissant de Bethléem, de ce passé lointain où Jésus est venu parmi les siens pour éclairer les Nations. Elle nous devance encore, cette lumière, qui vient du Christ dans sa gloire. Elle nous appelle. Ainsi chacun de nous est enveloppé dans ce manteau de Lumière qui nous borde de bout en bout.

Alors, à vous de jouer. Cette semaine, je vous propose d’aller trouver un ami, une connaissance qui semble plongée dans le noir. Et de lui dire, en quelques mots simples, la part de lumière que, sans savoir, il reflète, malgré tout. Et puis priez, pour qu’il voit un jour d’où lui vient cette lumière et qu’il entende alors celui qui, depuis son cœur ardent tout entouré de flammes, n’a de cesse de nous redire : « Viens, suis-moi, Je suis la Lumière. »