Jésus vient de ressusciter une enfant et il pense délicatement à le faire manger ! Quelle étonnante attention… et aussi quel sens du détail de la part de saint Marc qui raconte ces deux guérisons. Il me semble d’ailleurs que ce sont des petits détails comme ceux-là auxquels il nous faut, nous aussi, être attentifs pour entrer dans l’intimité de ces récits. J’en retiens trois :
- le choix des apôtres qui vivent avec Jésus cette résurrection en direct : Pierre, Jacques et Jean : les mêmes seront à la Transfiguration, les mêmes à Gethsémani. Ce sont les hommes des grands événements de la vie du Christ. Ce sont aussi ceux qui sont associés à la plus grande intimité avec lui : cette résurrection a certainement un lien avec la mort et la glorification de jésus lui-même.
- " 12 ans ", c’est le nombre d’années de la maladie de cette femme et c’est aussi l’âge de la fillette. C’est l’âge où l’enfant fait sa profession de foi dans le judaïsme et dans le christianisme ; c’est l’âge de la maturité : ce double miracle qui s’explique probablement l’un par l’autre doit se recevoir comme un acte de maturité, pour nous rendre plus adulte dans la foi.
- Enfin, cette façon dont Jésus parle à cette femme en la guérissant : " ma fille " ; comme un père parle à son enfant. Jésus en redonnant vis à cette femme – qui perdait doucement sa vie – agit comme un Père : c’est tout son Père en action. Et c’est la même appellation de " fille ", le même mot repris au moment où il quitte cette femme guérie, quand on lui annonce que l’autre " fille " est morte.
Morte ou endormie ? Si l’une a retrouvée la vie, l’autre ne la perdra pas. Jésus n’est pas venu pour la mort, mais pour la vie. Car " Dieu n’a pas fait la mort ". Oui, " Dieu n’a pas fait la mort " (Sagesse 1, 13)… Alors, pourquoi donc la mort existe-t-elle ? Pourquoi donc mourrons-nous ? Nous sortons de cette vie précisément pour expérimenter que la mort n’est pas ce que nous croyons. C’est probablement la seule manière de vérifier personnellement et non pas comme une théorie ou une philosophie que la mort n’est pas une réalité puisque Dieu ne l’a pas faite… Je suggère que cette page d’Évangile nous est offerte pour entrer dans cette découverte à partir de la situation de vie qui est la nôtre aujourd’hui : jeune ou vieux, seul ou entouré de famille, souffrant ou en bonne santé, angoissé ou insouciant face à notre propre mort… Cette page d’Évangile pourrait nous offrir deux éclairages sur la mort et notre propre affrontement à la mort.
Qui peut le plus, peut le moins : si Jésus ressuscite cette petite fille, nous comprenons bien qu’il est moins étonnant pour lui de guérir cette femme. Ou mieux : c’est parce qu’il peut sortir de la mort cette petite fille qu’il peut aussi sortir de sa petite mort cette femme mûre. Il y a comme une connivence entre ces deux actes mises en évidence par l’Évangile pour que nous comprenions que Jésus ne veut pas seulement nous sauver de la grande heure de notre mort mais aussi de tout ce qui s’écoule de nous et qui crée de la mort, du mal, de la non vie ". Probablement nous faut-il expérimenter ce salut dans l’ordinaire de notre vie pour pouvoir nous en convaincre pour le jour de l’au-delà ! Cette guérison que le Seigneur de la vie est venu nous donner se répand dans notre propre vie principalement par la vie sacramentelle : celle qui nous communique la vie de Dieu en Jésus Christ.
Le baptême nous enfante à une vie avec le Christ.
Son pardon nous recrée sans cesse dans une virginité nouvelle, nous qui saccageons ce don de Dieu en nous.
L’Eucharistie nous greffe sur son corps ressuscité pour faire de notre histoire une histoire sainte alimentée à la source de la sainteté.
En nous, la vie du Christ s’écoule.
En la recevant ainsi, nous alimentons donc en nous notre foi en la résurrection. Mieux encore nous y participons, parce qu’elle nous transforme. Plus nous vivons de l’Eucharistie, plus nous nous laissons saisir par le mystère de la Résurrection, plus ce mystère nous grandit, nous éduque, nous transforme : notre vie ne devient pas sans misère ou sans épreuve, mais nous recevons de pouvoir vivre celles-ci comme Gethsémani : dans la confiance au Seigneur : " TALITHA KOUM ", " Lève-toi ".
Mais il y a peut-être plus encore à extraire de cette page d’Évangile quand nous regardons l’environnement de ces deux événements : dans une foule qui le presse, Jésus sent qu’une personne l’a touché, ou plutôt l’a touché avec foi, car beaucoup devaient le toucher physiquement. C’est toujours personnellement, même quand nous sommes en foule, en Église, nombreux, que le Christ veut que nous le rencontrions. C’est ce qui est signifié par exemple par le sacrement de la confirmation qui se reçoit en Église mais toujours personnellement. Le don de l’Esprit par l’imposition des mains est donné à tous parce qu’il est donné à chacun. Tout comme au début de ce récit, nous avons entendu Jaïre demander à Jésus : " Viens lui imposer les mains, qu’elle vive ". C’est ce même geste que nous reprenons dans la vie sacramentelle de l’Église pour que ce soit la même vie, celle du Christ, qui s’écoule dans notre vie d’hommes, dans nos détresses humaines. Et c’est donc à la même foi que nous sommes appelés : la foi de Jaïre, la foi de cette femme anonyme dans la foule. Car sans foi, pas d’accès au Seigneur de la vie. Ca n’est pas sans nous que Jésus veut nous sauver. C’est comme par un transfert de sa vie dans notre vie, de sa résurrection dans notre condition mortelle, de son pardon dans notre péché qu’il nous atteint et nous sauve. La foi nous fait naître à une vie nouvelle qui ne fait pas disparaître les dures réalités de la vie mais les habille de la présence du " Seigneur de la vie " et nous fait participer sur la terre à cette vie du Ciel.
Nous sommes tous sortis, un jour, du ventre de notre mère pour naître à une vie nouvelle que nous ignorions totalement avant notre naissance. Aussi sûr, nous sortirons un jour du ventre de la terre pour naître à une vie nouvelle et définitive dans le face à face avec notre rédempteur et sauveur. Depuis Jésus Christ, la mort est aussi une naissance, mais dès avant ce jour et parce qu’il nous aime, le Seigneur nous communique sa puissance et sa vie. Il l’anticipe dans ce don et dans ce cri : " TALITHA KOUM ". " Lève-toi. Tu es vivant, tu es ressuscité ".
Références bibliques :
Référence des chants :