Un pas vers Dieu, un pas vers les autres | Homélie du 23 septembre 2000

"Un pas vers Dieu, un pas vers les autres" : c’est l’invitation pressante, en forme de slogan, que vous avez choisie de nous adresser aujourd’hui, pour vivre en accord avec tous les diocésains de Besançon ce temps exceptionnel du Jubilé.

C’est une invitation à emboîter le pas au Christ, à marcher avec lui, comme lui, une invitation que depuis quarante ans, le Service Catholique de l’Enfance et de la Jeunesse Inadaptée essaye de faire passer très concrètement dans les groupes, à travers les activités, les propositions et les rencontres diverses.

Il n’est que d’évoquer la personnalité de François, l’aumônier – prêtre que beaucoup d’entre vous connaissent et apprécient, pour comprendre ce qu’une telle invitation veut dire.

"Un pas vers Dieu, un pas vers les autres" : il s’agit bien de faire un pas, puis un deuxième, d’avancer un pied, puis l’autre, en cherchant à garder l’équilibre ; de les risquer jour après jour, sur la route de sa vie personnelle et associative, comme le dit le refrain de la chanson que vous connaissez bien, " la meilleure façon de marcher, c’est encore la nôtre, c’est de mettre un pied devant l’autre et de recommencer".

 

"Un pas vers Dieu, un pas vers les autres" : Frères et S?urs, nous pouvons contempler à la lumière des deux textes que nous venons d’accueillir, la démarche toute en équilibre de Jésus : Jésus est tout entier tourné vers le Père – toute sa vie est une marche vers le Père – , et il est tout entier tourné vers les hommes ses frères, pour lesquels il accepte, en marchant résolument vers Jérusalem, de donner sa vie, par amour.

Sur les routes de Palestine, Jésus a vécu l’amour du Père et l’amour des frères comme un seul et même amour " Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et ton prochain, comme toi-même".

 

Si Jésus marche ainsi, avec beaucoup d’aisance, malgré les difficultés du chemin, il n’en est pas de même pour ses disciples, eux qui avaient bien du mal à comprendre l’annonce de la croix et de la résurrection, et qui, du même coup, tremblaient d’en savoir davantage.

Laissés à eux-mêmes, ils ont pour sujet de discussion leur valeur respective, dans un climat, semble-t-il, de rivalité.

C’était à celui qui pourrait le mieux se vanter d’être plus que les autres et donc mériter l’hommage et la reconnaissance des autres.

Dans notre histoire personnelle et collective, qui d’entre nous n’est pas parfois décontenancé à l’heure des épreuves, à l’heure des croix, en face desquelles on ne sait plus quoi dire ?

Dans notre histoire, à plus ou moins grande échelle, familiale, locale, communautaire, nous connaissons souvent, hélas, des jalousies qui mènent au désordre et à toutes sortes d’actions qui engendrent le mal et la souffrance.

Nous sommes bien de la race de ceux que Jésus avait choisis pour en faire ses disciples, de la race des 12 à qui Jésus va confier son Eglise après les avoir entraînés à sa suite.

S’il nous arrive, Frères et S?urs, d’être plus ou moins attristés par les faiblesses de notre nature humaine, les nôtres et celles des autres, pensons que cela n’empêche pas le Christ de nous aimer, de nous faire confiance, de compter sur nous.

Lorsque Jésus demande à ses apôtres : " de quoi discutiez-vous en chemin ?", le ton qu?il emploie est le ton de la souffrance, non pas seulement celle de sa passion qui approche, mais la souffrance devant la légèreté, l’inconséquence, l’ignorance spirituelle de ses amis à qui pourtant il venait de faire la confidence du secret de sa vie.

Et, sans faire de romantisme, je crois que cette souffrance du Christ devant l’incompréhension des moeurs de Dieu de la part de ses amis, devait comprendre, englober tout ce qui, à travers l’histoire, en serait la poursuite : toutes nos prétentions personnelles ou collectives, tout ce qui nous conduit à nous quereller, à nous déchirer, à nous diviser.

Et c’est ici que nous entrons dans le mystère que nous révèle Jésus dans son entretien intime avec les 12.

Ces affirmations stupéfiantes en vérité, selon lesquelles, pour être le premier, il faut être le dernier et le serviteur de tous.

Ce geste bouleversant en vérité, du petit enfant fragile et dépendant, placé au milieu de ces hommes qui se croient arrivés et dont Jésus dit qu’accueillir un enfant comme celui-là, c’est l’accueillir, Lui, et plus encore accueillir le Père qui l’a envoyé?

Le créateur des mondes, la source de la vie, celui que l’on qualifie de tout puissant, en voilà donc, selon Jésus, la meilleure image : un tout petit.

Quelle singulière leçon de choses pour notre foi, leçon de choses qui devrait éliminer à tout jamais de nos consciences l?image du despote qui nous manierait à sa guise, ou l?image du magicien qui ferait les choses à notre place, ou l?image d?un être si suffisant en lui-même que nous ne compterions vraiment pas pour lui !

Et ces images que je dénonce, ne croyez-vous pas qu?elles traînent encore ici ou là dans quelque repli de nos pensées? ?

C?est si grand le mystère du Dieu caché, celui que l?on doit bien reconnaître comme le tout Autre !

Un petit, un enfant, dans sa fragilité, constamment en état de dépendance, un enfant sans cesse veut grandir, être reconnu, avoir sa place? Et en même temps, ceux qui l?entourent, les parents en particulier, l?affirment volontiers : quelle mystérieuse autorité ils exercent les petits, transformant leurs parents et leur entourage bien au-delà de ce que ceux-ci auraient cru pouvoir devenir !

Image de Dieu : c?est vrai que Dieu nous fait confiance si nous l?aimons : il nous confie la terre, sa création à rendre habitable, l?humanité à évangéliser !

C?est vrai que Dieu, d?une certaine façon, veut dépendre de nous pour faire advenir son règne d’amour !

C?est vrai que Dieu veut être reconnu par les hommes, avoir sa place au milieu d?eux, faire chez eux sa demeure.

Pour marcher à la suite du Christ, pour faire avec lui " un pas vers Dieu, un pas vers les autres ", comme il nous faut, Frères et S?urs, nous convertir à ce Dieu petit et pauvre, et lui demander d?exercer en nous son mystérieux pouvoir?

Dans les signes de l?eucharistie, si petits, si fragiles eux aussi, qu?il vienne donc en nous et nous ouvre le c?ur à son mystère.

Références bibliques :

Référence des chants :