" Si quelqu’un veut marcher derrière moi, dit Jésus, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l’Évangile, la sauvera. "
Au regard de la foi chrétienne, l’histoire de la mine en Lorraine depuis plus d’un siècle a été indéniablement marquée par la croix. La prospérité économique qu’apporta le bassin minier à l’Est mosellan comme à l’ensemble du département de la Moselle a eu pour prix le sacrifice de nombreuses vies humaines, qu’il s’agisse des victimes des catastrophes ou des accidents du travail dont nous faisons mémoire ce matin avec émotion, ou encore des santés prématurément abîmées, des corps trop tôt usés par un travail rude et pénible. Certes, au fil des ans, des progrès techniques ont amélioré la sécurité et atténué la dureté du métier, mais il n’en reste pas moins que la prospérité économique de la région a été chèrement payée, comme c’est encore le cas hélas dans les diverses parties du monde où nous achetons désormais notre charbon à des prix avantageux, profitant d’une main d’?uvre insuffisamment rétribuée.
La croix a marqué l’existence de nombreux mineurs, mais aussi de ces migrants polonais, italiens, slovènes, et plus récemment maghrébins ou turcs venus chez nous chercher le travail qui manquait chez eux et, par là, renforcer une main d’?uvre autochtone alors insuffisante. Le bassin houiller lorrain, le dernier en activité dans notre pays, offre encore l’image, commune à d’autres bassins miniers, d’une population mélangée, mais unie par le même travail, vivant au rythme de la mine.
La fécondité de la croix s’est traduite chez ces hommes et ces femmes dans un certain nombre de valeurs humaines comme la solidarité, la fraternité, le courage, l’accueil de l’étranger. Les anciens parlent avec nostalgie des années du plein emploi, des années d’après-guerre où les nécessités économiques de la France invitaient à gagner la bataille du charbon, des années où se construisaient des cités ouvrières dans des conditions souvent proches de l’héroïsme mais avec un grand sens du bien commun, valeurs qui font si gravement défaut de nos jours. La mine, ce n’est pas seulement un métier, c’est un capital de valeurs humaines, c’est une véritable culture. Et si aujourd’hui la population du bassin minier vit une véritable frustration, c’est sans doute à cause de la proche disparition d’un métier, mais tout autant d’une culture qui a donné sens à la vie de plusieurs générations d’hommes et de femmes.
Dans cet univers professionnel et culturel, la foi chrétienne a su trouver sa place, et pas seulement dans la promotion du culte de sainte Barbe. L’Église a été souvent proche du monde de la mine, grâce à des prêtres admirables et aux mouvements apostoliques. Aujourd’hui encore, l’Église diocésaine de Metz, re-dynamisée par son projet pastoral, voudrait être proche d’un peuple en mal d’espérance.
Sans céder à la nostalgie ou au dolorisme, les pasteurs que nous sommes, sensibles à la détresse de leur peuple, voudraient lui apporter des raisons d’espérer ; nous nous refusons à accepter que l’Est mosellan, hier si plein de dynamisme et de vie, ne devienne sous peu un désert ou une zone de précarité propice à la violence et à la délinquance.
Ces raisons d’espérer, nous les puisons dans l’invitation du Christ à prendre la croix, mais aussi dans les efforts auxquels consentiront les responsables économiques et politiques pour re-développer l’Est mosellan. Nous sommes assez lucides pour apprécier les difficultés de l’entreprise et savoir qu’elle ne peut réussir que soutenue par un climat social qui promeut le don de soi, le souci du bien commun, la persévérance dans l’effort.
La commémoraison des victimes de la mine ne doit pas être seulement tournée vers le passé. Puisse leur sacrifice, uni à celui du Christ, porter aujourd’hui et demain des fruits de vie !
Tel est le sens de notre rassemblement de ce matin.
Références bibliques :
Référence des chants :