Verticale et horizontale, une croix l'habite | Homélie du 26 juin 1999

« Qui est le Fils de l’homme au dire des gens ? » demande Jésus à ses disciples. Ils répondent ce qu’on raconte autour d’eux ; ils répondent ce qu’ils savent. Dans ces rumeurs, le passé se répète. Avec intérêt souvent, avec enthousiasme parfois, les gens perçoivent en Jésus la présence de l’esprit de prophètes défunts. Même améliorée, l’histoire bégaie. La nouveauté enjolive des vies disparues. Elle fait réussir aujourd’hui des existences hier remplies de tourments et de peines : une âpre fidélité enfin récompensée.

« Mais pour vous, qui suis-je ? » insiste Jésus.
Pierre se jette à l’eau : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu Vivant. » Ses paroles ne viennent « ni de la chair, ni du sang ». En Pierre, c’est le Père qui parle à son Fils, comme dans l’allégresse de l’Esprit au moment du baptême dans le Jourdain. Le Père respire, dans les mots de l’apôtre, le dialogue éternel qu’il échange avec son Verbe. Le souffle passe en cet homme, imprévu, nouveau, venu des profondeurs insaisissables de Dieu. Des paroles grosses d’éternité.

Ce Souffle dont nul ne sait d’où il vient, emporte également on ne sait où (Jn III, 8). Jésus garde l’initiative : en Pierre, il répond au Père dont il accomplit la mission. Il appuie sur lui sa propre Église, il lui remet les clés du Royaume de son Père avec la charge d’en ouvrir les portes, fermant ainsi le pouvoir des portes mortelles.

Pierre reçoit ce qu’aucun homme ne peut produire. Le Père qui donne son Fils par amour pour ce monde (Jn III, 16), attire à lui les hommes qu’il remet au Christ (Jn 56, 44). En ce disciple, se croisent et se conjoignent les élans infiniment aimants du Père et du Fils. Son histoire personnelle en est bouleversée. La nouveauté pascale de Dieu le pénètre, le livrant au monde à la suite du Verbe, l’attirant vers le Père dans le Fils. Son histoire personnelle en est bouleversée. La nouveauté pascale de Dieu le pénètre, le livrant au monde à la suite du Verbe, l’attirant vers le Père dans le Fils.

Pierre devient une rencontre vivante, du Père avec son Fils, de l’Envoyé vers son Père. Verticale et horizontale, une croix l’habite. Tel est le prêtre.

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Cette croix aux souffrances dont Pierre est témoin et qu’il partagera ( I P V,1), fournit la clef du Royaume, car elle étincelle de générosité offerte largement, « de plein coeur » (v. 2). Elle trace le « modèle » du ministère, non pas au titre de la douleur, mais à l’aune de son ampleur. Elle embrasse l’humanité et la création. Elle recueille l’histoire pour la remettre au Père. C’est pourquoi elle s’incarne au plus profond des hommes.

Le ministère est un acte pascal, de mort et de résurrection. Mort au vieux monde, aux égoïsmes recuits, aux suffisances mortelles. Le mystère de Pâques fend le monde, déchire le voile, pour que naisse une terre selon le coeur de Dieu, une terre d’eucharistie, réconciliée.

Un monde filial. Le prêtre devient un modèle du troupeau, non par ses seules forces, mais à la mesure où il se laisse conformer au Christ, « de bon gré », sans chercher de profit ni faire peser son autorité, à la suite du « souverain Berger » (v. 4). Ce coeur large, ouvert à ceux qui lui sont donnés en partage, sans exclusive, fait du prêtre un pasteur.

Ce n’est pas le nombre de prêtres qui importe en premier, mais le fait de savoir ci ce que vous, fidèles, en attendez, correspond à la grâce qui, d’un homme que vous présentez, fait un prêtre que vous recevez.

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Et ce que vous attendez du prêtre découle de ce que vous recherchez en Dieu. Si vous demandez au prêtre de satisfaire à ce qui vous plaît, à vos coutumes individuelles, vous l’emprisonnez dans vos goûts au lieu de vous laisser convertir par l’imprévu de Dieu.

Le Père qui rencontre son Fils en un homme qu’il consacre à son service, envoie le prêtre pour tisser une humanité de rencontres. En cela, le prêtre sert la communion que Dieu attend que vous établissiez entre vous. Il nourrit votre foi, il vous entraîne vers une vie de chrétiens adultes pour que vous deveniez « membres les uns des autres » (Ep. 4, 25). L’ordination en fait l’homme de l’Alliance. C’est ainsi qu’il se montre « le modèle du troupeau » (1 P V, 3).

L’ardeur de cette communion attire en nous l’ardeur de la mission, la soif de partager l’essentiel de la vie des hommes. Le prêtre, au milieu de vous, se tient comme le signe de tous ceux qui sont absents, vous empêchant de vous replier sur vous-mêmes. Il désigne tous ceux pour qui le Christ est aussi venu.

Plus vous serez désireux de la communion, plus le prêtre vous sera indispensable ; plus vous serez présents à ce monde et plus vous aurez besoin d’ancrer ces rencontres dans l’envoi du Christ. Le prêtre signifie la fructueuse présence de cette source vive qui, en vous, se donne gratuitement.

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Les ministères varient. Les figures du prêtre changent. Qu’attendre aujourd’hui d’un homme appelé au service presbytéral ? Il lui faut aller à l’essentiel, dans cette rencontre nue, de la crèche à l’Ascension, où le Christ se livre pour révéler le visage de Dieu et le sens de notre humanité. Il sert en vous le même appel. Dieu nous invite à y devenir le corps où s’écrit son Alliance.

Références bibliques :

Référence des chants :